Surprise?

Certaines surprises sont étonnantes. La dernière nous vient du fameux « Forum Saban » qui vient de se tenir à New York avec la participation d’une partie du Who’s who politique israélien et des personnalités américaines proches du parti démocrate. Elles ont fait une découverte importante décrite par les journalistes israéliens qui assistaient à cette rencontre. Nahoum Barnea de Yediot Aharonot : « A la fin de la semaine, des membres de l’administration américaine ont appris des israéliens, une leçon importante : Pour l’actuel gouvernement israélien la solution à deux états est morte ! Lorsque Netanyahu l’évoque il induit en erreur ! [1]»

Double langage?

A une question à ce sujet, Avigdor Lieberman, l’ancien ministre des affaires étrangères, a répondu ironiquement: « La solution à deux états ? Cela dépend si Netanyahu en parle à Washington ou à Jérusalem ![2] » Martin Indyk, ex-ambassadeur en Israël et émissaire du secrétaire d’État John Kerry lors de la dernière médiation américaine en 2014, a demandé au ministre israélien de la défense si Israël n’évoluait pas vers une formule à un état et demi en conservant le contrôle de 60% de la Cisjordanie. Moshé « Boogie » Yaalon, le ministre de la défense, a expliqué, dans sa réponse, qu’il était en faveur du modus vivendi actuel et « qu’il n’y avait aucune raison pour que des Juifs ne vivent pas en Judée Samarie.. »

Vers l’effondrement de l’Autorité palestinienne

Mais, c’est l’intervention de Kerry qui a suscité le plus de réactions de la part de la direction israélienne. Le secrétaire d’État a d‘abord mis l’accent sur l’importance de l’aide américaine à Israël qui a reçu, depuis 2009, 20 milliards de dollars en aide militaire. Puis : « Les Israéliens croient que les Palestiniens n’accepteront jamais le droit d’Israël à vivre en paix en tant qu’État juif, qu’ils enseignent la haine, glorifient les terroristes et qu’un accord de paix transformera la Cisjordanie en un nouveau Gaza. J’ai entendu tout cela. Les Palestiniens croient que l’actuel gouvernement israélien ne leur accordera jamais un état, que leurs terres sont systématiquement spoliées, que les souffrances causées par l’occupation ne cesseront jamais et que les attaques contre les Palestiniens sont impunies. C’est ce qu’ils croient. »

Et Kerry de lancer des avertissements. Extraits : « Le Premier ministre israélien, déclare être en faveur de la solution à deux états pour les deux peuples, mais de nombreux ministres ont ouvertement pris position contre la création d’un état palestinien. En fait, la situation actuelle mène à l’état binational. Les risques d’effondrement de l’Autorité palestinienne augmentent de jour en jour. Dans ce cas, ce sera Israël qui aura la responsabilité des services de base à la population de Cisjordanie. Gérer les écoles, les hôpitaux, assurer l’ordre. Cela représenterait un milliard de dollars sans compter l’aide au développement, – également un milliard. Sans les forces de sécurité palestiniennes, Israël devrait déployer des dizaines de milliers de militaires indéfiniment en Cisjordanie. »

Le secrétaire d’État s’est adressé directement aux Israéliens : « Il faut renforcer Abou Mazen (Mahmoud Abbas) maintenant – et cela n’a pas été suffisamment fait depuis des années – et c’est fondamental. Car, si vous ne renforcez pas la personne la plus engagée en faveur de la non violence, vous envoyez à son public un message extrêmement négatif. Et les Palestiniens finiront par dire : « Nous ne pouvons pas poursuivre sur cette voie. Il l’a essayée. Ils l’ont tentée pendant trente ans. Nous avons conclu les accords d’Oslo, les accords de Wye River, de Madrid et rien n’est arrivé »

Il l’a dit!

Dans un message vidéo enregistré à Jérusalem, Benjamin Netanyahu lui a répondu en réitérant son opposition à la formule binationale : « La solution c’est un état palestinien démilitarisé reconnaissant l’état juif. La racine du conflit vient du refus des palestiniens de reconnaître l’État juif. Les implantations et le territoire sont des problèmes qui doivent être résolus et ne sont pas la raison du conflit. » Et de rejeter la responsabilité de la situation actuelle sur Mahmoud Abbas. Malgré cela, les participants américains au Forum Saban ont poussé un léger soupir de soulagement. Le Premier ministre israélien a prononcé la phrase magique. Il est toujours en faveur d’une solution à deux états.

Faire semblant...

Les diplomates, et les organisations juives pro-israéliennes, peuvent donc continuer de faire semblant. Le processus de paix ne serait pas mort après tout. Pour Chemi Shalev, éditorialiste de Haaretz : « Netanyahu sait comment jouer le jeu. Mais l’immense majorité de sa coalition gouvernementale considère que c’est inutile. Ses membres considèrent le centre-gauche de la communauté juive américaine comme une extension de la gauche israélienne défaitiste, qu’ils dédaignent et tentent de la saper ».

L’influence d’Israël

De fait, c’est exactement ce qui est en train de se passer. Selon un sondage publié en juillet dernier et diffusé par le Times of Israël [3]: 76% des démocrates interrogés ont répondu oui à la question : « Israël a t-il trop d’influence sur la politique étrangère américaine ? » et 20% seulement des républicains. « Israël est-il raciste ? » Oui pour 47 % des démocrates et 17% des républicains. « Les colonies israéliennes sont-elles un obstacle à la paix ? » Oui, selon 75% des démocrates et 25% des républicains. Ce n’est pas tout : 33% des démocrates et 22% des républicains considèrent qu’Israël reçoit des milliards de dollars qui devraient aller au public américain. En conclusion de ce sondage : 50% des démocrates et 18% des républicains sont d’accord avec la proposition : « Les Juifs qualifient trop souvent d’antisémite la critique d’Israël »

Et l’Europe?

Toutes choses indiquant qu’une crise majeure pointe à l’horizon dans les relations israélo-américaines. Ce refus d’entériner l’échec, la mort du processus de négociation entamé à Oslo, se retrouve dans la quasi totalité de la classe politique européenne. occidentale. L’accepter signifierait revoir l’ensemble des accords conclu entre L’Union et Israël. Cesser le financement de l’Autorité palestinienne, précipiter sa dissolution, et plonger la région dans une crise dont nul ne veut au moment où le combat contre Daesh prime tout. De toute manière, Netanyahu est persuadé qu’il gagnera sur les deux tableaux : Il n’y aura pas d’état palestinien et l’Autorité autonome ne s’effondrera pas. La communauté internationale y veillera, et continuera de financer un processus qui n’existe plus…

[1] Yediot Aharonot 7.12. 2015

[2] http://www.haaretz.com/israel-news/.premium-1.690436

[3] http://www.timesofisrael.com/israel-losing-democrats-cant-claim-bipartisan-us-support-top-pollster-warns/

 

 

2 réflexions sur « Surprise? »

  1. Le temps travaille pour le gouvernement Israélien. Le leitmotiv a toujours été de dire que les palestiniens ont une patrie, la Jordanie. Quand on regarde une carte de Cisjordanie avec les emplacements des différentes colonies juives il n’est plus possible que cela devienne un état à part entière et le gouvernement israélien ne voudra pas englober cette population considérée comme autant « d’ennemis intérieurs ». Petit à petit, du fait de conditions de vie particulièrement éprouvantes tout est fait pour que la population palestinienne disparaisse d’elle même.

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  2. La majorité des Israéliens doivent se rendre compte qu’en continuant à soutenir la politique de leur gouvernement, le jour viendra où ils n’auront plus de Palestiniens éduqués souhaitant trouver une solution pacifique avec qui négocier mais se retrouveront face uniquement à des décérébrés incontrôlables. Le XXI siècle verra t-il les Israéliens se réveiller ?

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