Kippa Kippa

La semaine dernière à Marseille, un lycéen de 15 ans, turc d’origine kurde a attaqué à la machette un enseignant juif. Appréhendé il a déclaré agir pour le compte de Daesh. L’enquête devra démontrer comment il a été mis sur cette voie criminelle. En attendant, le jeune terroriste est mis en examen et détenu pour: ”tentative d’assassinat aggravée en raison de l’appartenance de la victime à une religion déterminée et en relation avec une entreprise terroriste”. Il a repéré sa victime parce qu’elle portait la kippa.
L’affaire est une nouvelle attaque anti-juive venue de l’islamisme radical qui imprègne certaines catégories de jeunes musulmans. Mais elle a déclenché un curieux phénomène de soutien… à la kippa.
Je dois dire que cela me plonge dans un abime de perplexité. Deux députés, Claude Goasguen (LR) et Meyer Habib (UDI), se sont promenés en portant la kippa dans l’Assemblée nationale. Sur Internet, des campagnes “Je suis Kippa” et “ Touche pas à ma kippa” ont fait leur apparition. Hier soir, dans l’émission de Ruquier sur France 2, Yann Moix, qui a déclaré n’être pas juif, a mis la kippa en signe de solidarité. Bien entendu tout un chacun a le droit de se couvrir de n’importe quel signe d’appartenance politique ou religieuse selon les lois de la République.
Cela dit, le port de la kippa dans l’espace public n’a jamais été une obligation religieuse. Moïse ne portait pas la kippa. Cela n’est pas stipulé par la Tora. Mais au 15ème siècle, le rabbin Yossef Ben Ephraïm Karo dans le Choulhan Aroukh, le code de loi juive, a écrit qu’un homme juif ne devait pas faire plus de quatre coudées (deux mètres) la tête nue. Il suffit donc d’avoir un couvre chef. Pendant des décennies, les Juifs observants se déplaçaient hors de chez eux portant casquette, béret ou, chapeau. A Nancy et à Metz, où j’ai vécu jusqu’à mon départ pour Israël en 1968, les rabbins ne se promenaient pas en kippa. Il y a une quinzaine d’année, en visite en France, j’ai été surpris de découvrir des coreligionnaires dans la rue, qui arboraient la kippa, parfois même, le Shabbat, avec le talith, le châle de prière, sur les épaules. Est- ce pour manifester publiquement leur appartenance à la communauté, au judaïsme? S’agit-il, dans ce cas d’un geste politique? D’une manière d’exprimer une forme de solidarité dans un environnement parfois hostile? Les sociologues devraient peut être étudier ce phénomène qui n’est en aucun cas religieux. On est juif parce qu’on est issu d’une famille juive, qu’on est circoncis, certainement pas parce qu’on porte la kippa.
De toute manière, les terroristes de Daesh, s’en prennent non seulement au Juifs mais aussi aux Chrétiens, aux Chiites, aux Français attablés aux terrasses des cafés, aux amateurs de musique.. Kippa ou pas.
(J’ajoute à ce post: Dans tous les cas le port de la Kippa n’est certainement pas une forme de soutien a Israël. Cela n’a rien à voir contrairement à ce qu’affirme Rony Braumann.)

Israël-Palestine en 2016. La fin?

J’avais mis en ligne cette analyse avant la révélation par Barak Ravid, l’excellent correspondant politique du Haaretz,  que le gouvernement israélien se prépare à la disparition de l’Autorité palestinienne. Mon papier a donc été légèrement modifié.

 

« Kadish pour les efforts de paix américains ». C’est le titre de l’édito publié, vendredi dernier (1 janvier) dans Haaretz, par Peter Beinart, professeur de Sciences-Po à la City University de New York. Le Kaddish est la prière prononcée par le plus proche membre de la famille du défunt lors d’un enterrement juif. En l’occurrence, il ne s’agit pas de proclamer la mort du processus de paix israélo-palestinien. L’avis de décès a été publié il y a de cela quelques années. Avec plus de 400000 colons installés en Cisjordanie, la quasi impossibilité de parvenir à un accord sur Jérusalem Est, et surtout sur le Mont du Temple/Al Aqsa, on ne voit pas comment il serait possible de créer un état palestinien. Il faut également tenir compte du schisme entre le Hamas à Gaza et l’OLP installée en Cisjordanie, sans oublier la situation politique au sein de la direction du Fatah qui ressemble de plus en plus à une cour byzantine.

USA out!

Peter Beinart, annonce la fin des initiatives américaines pour relancer les négociations israélo-palestiniennes. A priori, ce serait plutôt une bonne nouvelle. De la gestion calamiteuse du sommet de Camp David par Bill Clinton en juillet 2000 à Barack Obama, toutes les administrations US ont été incapables capables de faire avancer le processus de paix ne serait-ce que d’un millimètre. Inutile de revenir sur cet échec monumental, le premier d’une longue liste d’erreurs, d’analyses erronées politiques et militaires, à la source des catastrophes auxquelles on assiste au Proche Orient.

Hilary pro Bibi

Donc, selon l’analyse de Beinart, Benjamin Netanyahu peut être tranquille. L’Amérique et donc la communauté internationale, ne veulent plus entendre parler du conflit avec les Palestiniens. Aucun candidat à la présidence ne parle d’une solution à deux états. Un anathème pour les républicains. Côté démocrate, Hilary Clinton, reprend l’argumentation de Netanyahu : « Il est difficile d’envisager la possibilité d’un accord aussi longtemps que les Israéliens ne sauront pas ce qu’il va se passer en Syrie et si la Jordanie va rester stable. » Elle est en faveur de l’octroi de  « plus d’autonomie » aux Palestiniens et donc du maintien du contrôle sécuritaire de la Cisjordanie par Israël. Tout cela si, comme l’espère la droite israélienne, le fragile équilibre qui règne dans cette région peut être maintenu. Car la grande question posée par tous les experts n’est pas si l’Autorité autonome va s’effondrer, mais comment et quand ce dernier vestige des accords d’Oslo va-t-il disparaître ?

Gaza

Les raisons de manquent pas. D’abord, socio-économiques. Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, les palestiniens s’appauvrissent pour la troisième année consécutive. 25% vivent sous le seuil de pauvreté. 39% à Gaza et 14% en Cisjordanie. 60% des gazaouis sont au chômage. 80 % des habitants de ce territoire dépendent de l’aide financière des diverses ONG internationales. La reconstruction des immeubles détruits lors de la guerre de juillet 2014 est quasiment en panne. Gaza est à nouveau au bord de l’implosion et le Hamas y fait face à la multiplication des cellules salafistes. L’organisation réagit en soufflant sur les braises de ce que l’on appelle « l’Intifada des couteaux » en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et lance des appels à de nouveaux attentats. Le gouvernement israélien prend grand soin de ne pas réagir en attaquant les dirigeants du Hamas à Gaza ou en y resserrant le blocus. Au contraire, réalisant que cela pourrait conduire à une détérioration rapide de la situation, les barrages, par où passent les denrées et les marchandises destinées a Gaza, fonctionnent à plein régime.

Veiller à la stabilité

En Cisjordanie, la situation est toute aussi instable. Crise économique, en 2015 le PIB ne devait augmenter que de 1,8% pour une accroissement de la population de plus de 3%. Absence de toute perspective de négociations avec Israël. Guerres internes au sein de la direction de l’OLP et du Fatah où se déroule la lutte pour la succession de Mahmoud Abbas. Sur le terrain, le développement de la colonisation se poursuit. Si la coordination sécuritaire avec Israël est maintenue cahin caha, les policiers palestiniens chargés de maintenir l’ordre dans les zones autonomes, ont de plus en plus d’états d’âme. Ce sont souvent leurs propres enfants qui vont affronter les militaires israéliens aux check points. Pas question pour Israël de retenir le versement des taxes perçues pour le compte de l’Autorité même si, régulièrement, les dirigeants palestiniens expriment leur soutien aux auteurs d’attentats.

La fin en 2016 ?

Un attentat particulièrement sanglant, commis par des palestiniens ou des extrémistes juifs, pourrait tout faire basculer très vite, et mener à la réoccupation par Tsahal des villes autonomes. Ce serait le dernier clou dans le cercueil de la paix régionale sur laquelle sont fondés les traités conclus entre Israël, l’Égypte la Jordanie, mais aussi avec l’Europe. Sans parler de la relance de l’agitation anti-israélienne dans les communautés musulmanes à l’étranger. Israël devrait financer directement l’occupation de la Cisjordanie et ne pourrait plus compter sur l’aide fournie par la communauté internationale à l’Autorité palestinienne, sans parler du  déploiement de milliers de militaires dans les anciennes zones autonomes etc. etc. Espérons que ce scénario du pire ne se réalisera pas.