Le plan Trump – Kushner

Ses contradictions et les raisons pour lesquelles le monde musulman ne peut que le combattre .

Première constatation : Dès la page 3, Jared Kushner, l’auteur de ce texte, évoque la mémoire d’Yitzhak Rabin et affirme qu’il « a donné sa vie pour la cause de la paix ». Il oublie de rappeler qu’en fait, le Premier ministre a été assassiné par un juif nationaliste religieux pour empêcher tout accord avec les palestiniens.

Le plan semble se référer au dernier discours de Rabin en 1995 à la Knesset où il défendait l’accord intérimaire d’Oslo 2, dans lequel il définissait sa vision: « Jérusalem resterait sous la souveraineté israélienne, les secteurs de Cisjordanie et de la vallée du Jourdain où vivent d’importantes populations juives seraient incorporées à Israël. Le reste avec Gaza feraient partie de l’autonomie palestinienne, « moins qu’un état ». La direction palestinienne, relève Kushner, n’a pas rejeté cette vision de Rabin présentée comme le statut final des territoires occupés.
En fait, il savait parfaitement que pour l’OLP, le processus d’Oslo ne pouvait que mener à la création d’une Palestine indépendante. Le 11 décembre 1993, il envoyait à Tunis, son conseiller diplomatique, le colonel de réserve Jacques Neriah, ancien des renseignements militaires, rencontrer Yasser Arafat pour une discussion franche. De retour à Jérusalem, il faisait son rapport à Rabin : « le chef de l’OLP ne se contentera en aucun cas d’une autonomie, même élargie dans le statut final mais uniquement d’un état indépendant aux côtés d’Israël. » Le Premier ministre a réagi en déclarant à Neriah : « On continue le processus ! On verra ! »
Pour le professeur Matti Steinberg, ancien analyste principal du Shin Beth, il n’y a pas de doute : Rabin savait parfaitement, en s’engageant dans le processus d’Oslo, que pour l’OLP cela devait mener nécessairement à l’autodétermination palestinienne.

C’est page 7, que l’on découvre le mobile idéologique du plan concocté par Kushner : « L’État d’Israël a le désir légitime d’être l’État nation du peuple juif et que ce statut soit reconnu de par le monde. » Rappelons que le 19 juillet 2019, Benjamin Netanyahu a fait adopter par la Knesset la loi fondamentale définissant : « Israël comme l’État nation du peuple juif, qui y exerce son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination. La réalisation de ce droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est réservée au seul peuple juif ». En d’autres termes, les citoyens non-juifs n’ont pas ce droit et, cette loi, accorde la priorité à l’hébreu et au développement des localités juives. C’est faire évoluer Israël vers une forme d’ethnocratie. <a href= »https://www.monde-diplomatique.fr/2018/09/ENDERLIN/59027″></a>

En guise de justification, le plan Trump propose de faire de la Palestine, l’État-nation du peuple palestinien « avec, dans chaque cas, des droits civiques égaux pour tous les citoyens de chaque état » Ce qui, pour Israël, contredit les principes discriminatoires définis par la loi votée par la Knesset.
Mais, là, il faut relever que Kushner se prononce en faveur de la création d’un État palestinien. Comment pourrait-on y parvenir ? La réponse se trouve page 10. Il faudrait que « l’Autorité palestinienne ou toute autre organisation acceptable par Israël, ait le contrôle total de Gaza, que les organisations terroristes soient désarmées, et Gaza entièrement démilitarisée ». Vaste programme ! L’Autorité palestinienne n’a certainement pas les moyens militaires pour reconquérir Gaza, désarmer le Hamas et les autres organisations djihadistes. On ne voit pas qui d’autre -à part l’armée israélienne- pourrait se lancer dans une telle opération qui ferait de nombreuses victimes de part et d’autre. Cela ne se réalisera pas de sitôt. À moins que …

Mais, de quel territoire s’agit-il ? Page 8, Kushner affirme, évoquant les conquêtes israéliennes lors de la guerre de six jours, que : « rarement dans l’Histoire, des pays se sont retirés de territoires conquis au cours d’une guerre défensive ». Et ajoute : « Il faut reconnaitre qu’Israël s’est d’ores et déjà retiré d’au moins 88% des territoires occupés en 1967 ». Il s’agit du Sinaï qu’Israël a évacué dans le cadre de la paix avec l’Égypte et n’a rien à voir avec l’affaire palestinienne. Alors, écrit-il : « Le transfert d’une partie importante du territoire de l’État d’Israël doit être considéré comme une concession significative », car, souligne-t-il : « c’est un territoire sur lequel Israël fait valoir des droits légaux et historiques ». Il n’évoque pas les droits historiques et légaux palestiniens.

Jérusalem, écrit-il, doit être reconnue comme la capitale souveraine et indivisible d’Israël. La barrière (le mur) de séparation doit être maintenue pour séparer les capitales des deux pays. « La capitale souveraine de l’État de Palestine pourrait se trouver dans un secteur de Jérusalem Est, au nord ou à l’est de la barrière de sécurité, à Kafr Aqab, la partie orientale de Shouafat et à A bou Dis. Elle pourrait être appelée Al Quds ou tout autre nom décidé par l’État de Palestine. ». Les accords d’Oslo envisageaient un parlement palestinien à Abou Dis, où un immeuble a été construit qui, depuis, est séparé de Jérusalem par le mur de séparation.

Il faut rappeler que lors des négociations de Camp David en juillet 2000, si Yasser Arafat était prêt à accepter la souveraineté israélienne sur les quartiers à majorité juive à Jérusalem Est, il n’avait aucune intention de renoncer aux secteurs à majorité arabe, musulmane ou chrétienne. Surtout sur le Haram el Charif, le troisième lieu saint de l’Islam (qui est aussi le Mont du temple du judaïsme). Là, le plan Trump annonce une chose et son contraire. Affirme d’abord que « Le statuquo doit y être maintenu sans interruption » Donc, seul le culte musulman doit y être autorisé. Mais Kushner ajoute : « Les personnes de toutes croyances devraient être autorisées à y prier d’une manière pleinement respectueuse de leur religion, prenant en compte des horaires de chaque prière religieuse et des fêtes, de même que d’autres facteurs religieux »
En d’autres termes, les juifs devraient pouvoir y faire leurs prières…

Selon Mati Steinberg ce serait une catastrophe, « un embrasement, pas seulement dans les territoires palestiniens mais dans l’ensemble de la région. Une telle mesure renforcerait le soutien populaire à Al Qaida, à Daesh, au sein du monde musulman et ferait le jeu de l’Iran et de ses alliés shiites. Le conflit israélo- arabe se transformerait en une guerre de religion. Ce serait également la fin du traité de paix israélo-jordanien qui interdit toute atteinte au statut du Haram el Charif / Mont du Temple ». Le colonel Jacques Neriah, rejoint entièrement cette analyse.
Il ne faut donc pas être surpris du rejet de ce pseudo plan de paix par le monde arabo-musulman. La diplomatie française le comprend-elle ?

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