Les américains, les Juifs algériens. Roosevelt et Noguès. Peyrouton l’antisémite arrive à Alger avec la bénédiction américaine.
Le 14 janvier 1943 s’ouvre à Anfa, près de Casablanca, la conférence interalliée. Roosevelt et Churchill y discutent de la suite à donner à la guerre. Giraud et de Gaulle ont également été conviés, ne serait-ce que pour se serrer la main devant les caméras. Le chef de la France libre retournera à Londres peu après. Le 17, Roosevelt reçoit le général Charles Noguès, le résident général au Maroc, toujours en poste . Le compte rendu de la discussion est rédigé par l’attaché militaire naval du président américain, le capitaine McCrea :
« Murphy déclare qu’en Afrique du Nord, les Juifs sont déçus, car la “guerre de libération ” n’a pas immédiatement conduit à leur liberté complète. Le président a dit qu’à son avis l’ensemble du problème juif devait être examiné très soigneusement, et que les progrès doivent être sérieusement planifiés. En d’autres termes, le nombre de Juifs exerçant certaines professions libérales (droit, médecine, etc.) doit être absolument limité au pourcentage [de la population juive] par rapport à l’ensemble de la population nord-africaine. Un tel plan devrait permettre aux Juifs d’exercer ces professions sans les surcharger. […] le général Noguès était d’accord en général, en ajoutant que ce serait triste si les Français devaient gagner la guerre uniquement pour permettre aux Juifs le contrôle des professions et du monde des affaires en Afrique du Nord. Le président a rappelé les plaintes des Allemands à l’encontre des Juifs allemands qui ne représentaient qu’une petite partie de la population, mais plus de la moitié des avocats, des enseignants, des universitaires, etc. » On ne sait pas d’où le président des États-Unis tient ces fausses statistiques.
Sur les conseils de Murphy, Giraud fait venir à Alger Marcel Peyrouton, antisémite notoire, l’un des auteurs du premier Statut des Juifs d’octobre 1940 et responsable de l’abrogation du décret Crémieux. Nommé gouverneur de l’Algérie, il convoque, le 28 janvier 1943, une délégation de notables juifs conduits par le rabbin Eisenbeth pour leur annoncer :
« Les Juifs et les parlementaires ont été déclarés responsable de la défaite. Une défaite qui a provoqué une explosion générale d’antisémitisme dans toutes les couches sociales du pays. Certaines lois antisémites ont été prises en France sous l’impulsion du sentiment qu’avaient fait naître les Juifs étrangers fraîchement naturalisés depuis l’avènement du ministère Blum. Une des conditions essentielles de l’armistice a été l’introduction en France de la législation raciste. L’abrogation des lois raciales en Algérie se heurterait au mécontentement de musulmans. L’Algérie est encore la France et ne peut pas se considérer comme séparée d’elle pour légiférer en cette matière. »
Et Peyrouton d’annoncer : « La question des droits politiques […] recevra une solution après la guerre. Les biens des Juifs seront restitués en totalité, par paliers. Le numerus clausus sera élargi. Dans les écoles, il sera totalement aboli à l’avenir. Les petits fonctionnaires seront repris graduellement. »
Les Alliés ont lancé l’offensive contre les forces allemandes et italiennes qui se sont déployées en Tunisie après l’opération Torch. Le général Juin commande les 75 000 hommes de l’armée d’Afrique et de la première division de la France libre du général Larminat. Ils combattent aux côtés des 95 000 Américains d’Eisenhower, le commandant suprême, et des 130 000 Britanniques de Montgomery dans le dispositif duquel est intégrée la petite force de Leclerc .