L’académicien et Israël

Au gré de mes pérégrinations sur le web, je suis tombé sur une émission diffusée par Causeur en coopération avec RCJ. Élisabeth Lévy dialogue avec Alain Finkielkraut qui nous fait part de ses réflexions sur l’exécution d’un palestinien à Hébron le 24 mars dernier. http://www.cjfai.com/eventmaster/2016/04/05/finkielkraut-israel-et-la-volte-face-de-netanyahou/

Abdel Fattah Al-Sharif gisait au sol, grièvement blessé, après avoir agressé au couteau un militaire israélien en compagnie d’un autre assaillant qui, lui, avait été tué sur le coup. La scène, filmée par un volontaire de B’Tselem, l’ONG de défense des droits de l’homme montre, onze minutes plus tard, un soldat achevant al-Sharif d’une balle dans la tête. L’auteur de cette exécution extrajudiciaire s’appelle Elor Azaria. Il effectue son service militaire dans la brigade Kfir, déployée en Cisjordanie. Les médias francophones découvriront qu’il a la nationalité française par ses parents, arrivés en Israël il y a une trentaine d’année. Il est traduit devant la justice militaire sous l’accusation d’homicide.   On trouve sur les sites du Point et du Monde des articles racontant les divers aspects de cette affaire.

http://www.btselem.org/firearms/20160324_soldier_executes_palestinians_attaker_in_hebron

Mais, revenons à l’émission d’Élisabeth Lévy. D’entrée de jeu, l’académicien met en pièce l’article signé par Florence Noiville dans le Monde et consacré à la disparition d’Imre Kertesz, écrivain hongrois, prix Nobel de littérature en 2002. Il cite des extraits de « L’Ultime Auberge », le livre de ce survivant d’Auschwitz, décédé à l’Age de 86 ans : «  L’Europe s’aplatit devant l’Islam, le supplie de lui faire grâce. L’Europe ne veut pas se défendre etc. ». Et, ce qui fâche Finkielkraut, c’est ce passage de la journaliste : «  Pourtant – hormis peut-être dans son dernier ouvrage L’Ultime auberge (2015) où l’on trouve ça et là quelques remarques déconcertantes de sa part (mais peut être dues au grand âge,) sur l’Europe et l’Islam – il y a toujours quelque chose de profondément lumineux et d’éminemment généreux chez Kertész. » http://abonnes.lemonde.fr/disparitions/article/2016/03/31/l-ecrivain-hongrois-imre-kertesz-prix-nobel-de-litterature-est-mort_4892850_3382.html?xtmc=imre_kertesz&xtcr=2

 Étude de texte

Le philosophe, dont on connaît le peu d’attrait pour l’Islam, n’apprécie donc pas la critique implicite que fait Florence Noiville de la vision qu’a l’écrivain de l’Europe.

A 5min 47 de la vidéo, Élisabeth Lévy intervient : «  L’ultime auberge est considéré par le Monde comme un effet de son grand âge. De son gâtisme»

Finkielkraut : «Lorsqu’un survivant d’Auschwitz s’avise de sortir des sentiers battus du devoir de mémoire. Le couperet tombe. Il est gâteux. Rien ne peut démentir le politiquement correct. Ils sont diagnostiqués Alzheimer. »

Donc, le Monde serait très critique du livre de Kertész, considérant qu’il a été écrit par un vieillard n’ayant plus sa tête. Mais, curieusement, en fouillant les archives récentes du Monde, on découvre que c’est tout le contraire. Peu après la publication de L’Ultime Auberge, la même Florence Noiville, a publié un article dithyrambique dont voici un extrait : « Intensément poignant, alliant l’intelligence à la subtilité et la férocité au mystère, L’Ultime Auberge est aussi le dernier volet d’une trilogie commencée avec Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas (Actes Sud, 1995) et poursuivie dans ­Liquidation (Actes Sud, 2004). Ces trois ­livres s’inscrivent dans un temps cyclique. Ils forment un cercle. Une entreprise impossible à résumer où, avec une probité et une lucidité sans faille, Kertész ­regarde l’existence avec la distance d’un sage – presque « en étranger » –, ce qui ne l’empêche pas de la boire « jusqu’à la dernière goutte », tout en nous donnant furieusement envie de faire de même. » Pas un mot de gâtisme ou d’Alzheimer. http://abonnes.lemonde.fr/livres/article/2015/02/11/forces-vitales-d-imre-kertesz_4574568_3260.html?xtmc=l_ultime_auberge&xtcr=3

Badiou et Israël

Madame Lévy rappelle à son invité qu’il faut passer au sujet annoncé en début d’émission et, à 8 min 43 sec : l’affaire d’Hébron. Finkielkraut promet d’en parler, mais d’abord se lance sur un autre texte de Kertész. « Regards sur une ville déchirée » écrit après un séjour à Jérusalem en avril 2002. Extrait : « A présent, je suis sur ce balcon, au septième étage, et ne peux pas mieux ici qu’à Berlin ou Budapest juger de ce qui se trame vraiment. A ce moment, je ne réfléchis même pas à la situation locale, mais plutôt à la réaction européenne. On dirait que, des profondeurs de l’inconscient, l’antisémitisme dont on a pendant des années serré le mors rejaillit comme une coulée de lave sulfureuse. Sur l’écran de télévision, je vois, à Jérusalem et ailleurs, des manifestations dirigées contre Israël. Je vois en France les synagogues incendiées et les cimetières profanés. A quelques centaines de mètres à peine de mon domicile berlinois, près du Tiergarten, deux jeunes Juifs américains ont été agressés et roués de coups

J’ai vu à la télévision l’écrivain portugais Saramago, penché sur sa feuille de papier, qui comparait les agissements d’Israël contre les Palestiniens à Auschwitz – une preuve que l’auteur n’a pas la moindre idée de l’inadéquation scandaleuse du parallèle qu’il a tracé, et qui plus est, que le concept bien connu sous le nom de Auschwitz, dont la définition dans le consensus européen était jusqu’à présent constante, peut aujourd’hui d’ores et déjà être employé de manière populiste et à des fins populistes. Je me demande s’il ne faudrait pas faire une distinction entre une disposition hostile à Israël et l’antisémitisme. Mais est-ce seulement possible ? Comment comprendre que, deux continents plus loin, en Argentine – où en ce moment, les gens ont d’ailleurs bien assez à faire avec leurs propres soucis -, on en arrive à des manifestations contre Israël ? »

L’académicien reprend : « Les Juifs et les Israéliens, avec leur état ethnique, ne sont-ils pas les mauvais élèves de la classe européenne, ceux qui ne respectent pas la feuille de route du devoir de mémoire. Badiou le dit sans ambages, s’il y a un état nazi aujourd’hui dans le monde, c’est Israël »

Élisabeth Lévy : « Badiou dit état nazi ? »

Alain Finkielkraut : « Oui, à peu près ! A peu près ! Un état successeur de l’antisémitisme hitlérien. »

Là, j’avoue que je suis bluffé. N’étant pas un lecteur de Badiou, j’ai cherché cette citation sur le web. En vain. Contacté, un ami parisien, philosophe m’a répondu : « Certes, les positions de Badiou sur Israël sont discutables mais je ne l’ai jamais entendu qualifier Israël de nazi.. »

La minorité arabe et la démocratie

Finkielkraut mentionne ensuite « certains commentaires » – il ne dit pas lesquels- qualifiant Israël, d’état raciste : «  C’est cet antiracisme qui relance aujourd’hui l’antisémitisme en délivrant la permission de haïr. On devrait au contraire s’étonner qu’Israël qui, dans l’état d’urgence où il vit depuis qu’il est né soit resté une démocratie. .. Que les membres de la minorité arabe y jouissent à l’exception du service militaire obligatoire, de l’entièreté des droits civiques, sont représentés au parlement et ont donné un de ses cinq membres à la cour suprême… » Excusons son erreur, la Cour suprême israélienne compte en fait quinze juges, parmi lesquels, Salim Jubran, un chrétien de Haïfa.

Visiblement, notre académicien n’est pas gêné par le projet de loi constitutionnelle que Benjamin Netanyahu entend faire adopter. Il s’agit de redéfinir Israël comme l’État-nation du peuple juif. Selon ce texte le législateur devrait s’inspirer des principes du judaïsme. Le régime serait défini comme démocratique mais seuls les Juifs y auraient des droits collectifs. Les musulmans et les chrétiens – les « arabes » dont parle Finkielkraut – ne jouiraient que de droits personnels prévus par les lois.

Netanyahu transgresse

Vers 13 min 40 sec, il finit par rappeler la volte-face de Benjamin Netanyahu qui, après avoir, dans un premier temps, déclaré que le geste du soldat ne représentait pas les valeurs de l’armée, a téléphoné au père du soldat pour lui exprimer son empathie et « promettre que l’enquête tiendra compte de toute la complexité de la situation. Transgressant ainsi allègrement la frontière constitutive de l’état de droit entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire »

Élisabeth Lévy rappelle les sondages très favorables au soldat. Et Finkielkraut de se lancer dans une défense de la société israélienne : «  Il est incontestable que l’Intifada des couteaux fait vivre les israéliens dans une tension extrême. Le danger peut surgir partout et à tout moment. » Vivant à Jérusalem depuis plus de quatre décennies, je dois dire que j’ai connu des période infiniment plus tendues. A Paris et à Bruxelles après les attentats j’ai trouvé les français et les belges beaucoup plus inquiets que les israéliens.

Une frange hyper nationaliste?

Le gouvernement israélien devrait, dit-il, chercher une issue au statut quo politique actuel, qui n’est plus tenable… Mais, qui en est responsable selon lui ? « Il est beaucoup plus difficile d’en sortir que ne le pensent les bons apôtres européens qui oublient ce que la situation actuelle doit à la radicalité des palestiniens. Il n’empêche le rôle du gouvernement d’Israël est de chercher une issue or il ne la cherche pas. Parce que sa frange hyper nationaliste, suivie par une partie de l’opinion ne lui laisse aucune marge de manœuvre. On préfère donc la guerre à relativement bas bruit qu’est l’Intifada des couteaux à la guerre civile qu’entrainerait nécessairement le démantèlement d’une grande partie des colonies ». C’est un scoop ! Oublier que la majorité de la coalition gouvernementale du Likoud de Benjamin Netanyahu, jusqu’au Foyer juif de Naftali Bennet en passant par une partie des membres orthodoxes du Shass sont fermement opposés à la création d’un état palestinien et soutiennent la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie où vivent plus de 400 000 mille israéliens.

Retraits?

A aucun moment, l’académicien n’utilise le mot « occupation ». Il n’évoque les palestiniens que pour parler de leur « radicalité », et oublie l’action sécuritaire de l’Autorité autonome de Mahmoud Abbas qui, coopérant avec les forces israéliennes lutte contre le Hamas et maintient le calme dans les villes palestiniennes. S’il n’y a pas d’accord c’est parce que « Certains israéliens se méfient des palestiniens après le retrait du Liban, après le retrait de Gaza et considèrent qu’ils sont plus en sécurité comme cela. » L’explication est un classique de la communication de Netanyahu : « Israël se retire de territoires et l’Islam radical s’y installe ! Nous ne pouvons donc pas effectuer de concessions territoriales » En fait, le retrait du Sud-Liban n’avait rien à voir avec les palestiniens. C’était le résultat de la guerre désastreuse menée par Ariel Sharon et Menahem Begin au Liban en 1982. Une de ses conséquences fut le développement du Hezbollah. Comme pour Gaza, il s’agissait de retraits unilatéraux, non négociés, les responsables israéliens sachant parfaitement qu’ils laissaient ainsi le champ libre à l’Islam radical.

Les deux camps d’Israël

Alain Finkielkraut garde un silence assourdissant face à la campagne anti- démocratique menée par la droite, ses représentants au gouvernement et ses ONG extrémistes contre la gauche anti-annexionniste. En 1985, il a participé au premier dialogue entre intellectuels juifs de France et d’Israël, intitulé : Les juifs entre Israël et la Diaspora. J’ai publié sur ce blog des extraits de « La lettre à un ami juif français » de Yaïr Auron, l’organisateur de cette rencontre. En voici la conclusion : « Israël, en 1985, est une réalité très complexe au sein de laquelle se déroule une lutte entre deux visions opposées du monde. L’une composée d’éléments nationalistes et extrémistes, anti-démocratiques et xénophobes et l’autre d’éléments humanistes, libéraux et démocratiques qui ont représenté le courant central du sionisme, en recul constant depuis plusieurs années. Il me semble que c’est de ce conflit que se déterminera l’avenir d’Israël. Son issue aura des conséquences déterminantes sur l’avenir du peuple juif en tant que tel à l’aube du XXIème siècle. Quelle place et quel rôle occuperez-vous, intellectuels juifs dans ce combat ? ». Alain Finkielkraut se dit inquiet pour l’avenir d’Israël et admet que les partisans de la colonisation sont en train de construire un État où les juifs deviendraient minoritaires. Mais, est-il dans le camp de l’opposition sans concession aux forces anti-démocratiques qui, en Israël et au sein des communautés juives, mènent Israël à la catastrophe ?

PS: On me signale que dans une conférence le 4 mars, au CCLJ à Bruxelles, Finkielkraut a déclaré : « C’est un intérêt vital. L’occupation de la Cisjordanie, quelle que soit l’attitude des Palestiniens, est une catastrophe politique, économique et morale pour Israël ». Dont acte. Il serait bien qu’il le déclare, plus souvent et pas seulement devant un public juif favorable à La paix maintenant.

 

 

Un appel resté lettre morte..

En 1985, dans le cadre du « Premier dialogue entre intellectuels juifs de France et d’Israël », Yaïr Auron a publié cette Lettre à un ami juif français.. extraits:
« […] Israël se trouve à la croisée des chemins et doit décider de son avenir. L’États risque de s’engager dans une voie sans issue qui pourrait devenir impraticable pour beaucoup d’entre nous en tant qu’êtres humains que Juifs et qu’Israéliens. […] Israël s’est abstenu de définir son avenir. Ce non-choix, nous a entrainé dans la situation actuelle, celle où nous sommes en train de choisir de garder des territoires et de renoncer à la paix. C’est une décision capitale dans l’histoire de l’État d’Israël.
L’occupation des territoires [palestiniens] depuis 18 ans créent une réalité nouvelle. […] certains affirment que les implantations ont créé une réalité inchangeable et qu’en fait – sur le plan interne- l’option de rendre les territoires n’existe plus. Si cette affirmation est vraie ses conséquences sont considérables. Cela signifierait que nous avons accepté de vivre sans la paix et que nous sommes également coupables et responsables de cette situation de non-paix. Il y a quelques semaines, le premier contingent de jeunes nés après la guerre de Six jours a été enrôlé. Pour ces jeunes, la réalité de l’occupation et du « Grand Israël » est la seule qu’ils connaissent. Elle a pour signification le fait de devoir gouverner une population arabe ; mais il en émane aussi une peur profonde, émotionnelle et viscérale de l’Arabe, faite de préjugés.
Ainsi des principes fondamentaux comme l’égalité des hommes, le caractère sacré de la vie, l’antiracisme, la démocratie, la loi, sont remis en question. La réalité de l’occupation, avec tout ce qui en découle et l’absence d’un camp de la paix solide du côté arabe en général et palestinien en particulier ont été propices au renforcement de modèles extrémistes nationaux et religieux proposant des réponses claires mais superficielles à une réalité complexe. » Yaïr Auron donne pour exemple « l’opposition d’une partie importante de l’establishment israélien, de hauts fonctionnaires du ministère de l’éducation, de rabbins respectés etc. à l’organisation de rencontres entre lycéens juifs et arabes citoyens d’Israël. La raison e cette opposition : « la crainte d’une assimilation, de mariages mixtes ou même de conversions de jeunes juifs à l’Islam ». Derrière ce paravent de paroles sacrées se cache un racisme primaire facilement adopté par une partie de la société israélienne. […] Supposons un instant que des ministres du gouvernement français interdisent à des lycéens français non-juifs de rencontrer des lycées Juifs français. Il est facile d’imaginer quelle serait alors la réaction du gouvernement israélien. Il me semble aussi savoir comment vous, jeunes intellectuels juifs français réagiriez.
La question qui se pose à nous maintenant est de savoir quel est le rôle d’un intellectuel Juif français, lorsque des choses de ce genre, parmi d’autres se passent en Israël ? Certains d’entre vous, nous ne l’ignorons pas, se battent en France contre le racisme, exprimant ainsi une longue tradition juive de lutte contre l’oppression et l’injustice. Si c’est votre condition d’être humain qui est à la base de cette mobilisation, dans quels domaines s’étend votre combat en tant que Juifs ?
Israël, en 1985, est une réalité très complexe au sein de la quelle se déroule une lutte entre deux visions opposées du monde. L’une composée d’éléments nationalistes et extrémistes, anti-démocratiques et xénophobes et l’autre d’éléments humanistes, libéraux et démocratiques qui ont représenté le courant central du sionisme, en recul constant depuis plusieurs années. Il me semble que c’est de ce conflit que se déterminera l’avenir d’Israël. Son issue aura des conséquences déterminantes sur l’avenir du peuple juif en tant que tel à l’aube du XXIème siècle. Quelle place et quel rôle occuperez-vous, intellectuels juifs dans ce combat ? « 

Financer l’Autorité palestinienne?

A propos de l’émission de LCP à laquelle j’ai participé.. La situation actuelle est d’une hypocrisie scandaleuse. L’autorité palestinienne ne sert qu’à perpétuer l’occupation. Avec la bénédiction de l’Europe il n’y a aucune négociation alors que la colonisation se poursuit . C’est la situation idéale pour la droite israélienne et il n’y a aucune raison pour que la communauté internationale continue à payer. Que le gouvernement israélien la finance.. cela ferait près de 5 milliards d’Euros pour le budget israélien .. Et que l’on entérine une fois pour toute l’échec du processus d’Oslo.. L’occupation sans fard est plus logique que cette mascarade..Que la communauté internationale relance un véritable processus . Mes interlocuteurs de droite ont d’ailleurs conclu que l’Europe devait continuer de payer. cela fait l’affaire du gvt israélien. Et oui, la direction palestinienne ressemble à une cour byzantine..
Il faut ajouter qu’avec 400 000 israéliens habitant 60% de la Cisjordanie et leur soutien en Israël, même la perspective d’une solution à deux états est désormais pratiquement impossible.. Exiger le maintien du financement par l’étranger de l’Autorité autonome, c’est tout simplement maintenir le statut quo.

BÂILLONNER LA GAUCHE.

Mon analyse cette semaine dans le Monde Diplomatique:

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Israël à l’heure de l’Inquisition

PAS une semaine ne passe sans que la droite et l’extrême droite israéliennes
prétendent débusquer de nouveaux traîtres. Organisations non gouvernementales (ONG) de gauche qualifiées de «taupes financées par l’étranger» collaborant avec l’« ennemi palestinien »; écrivains, artistes, personnalités politiques : sur le Web, tous ont droit au shaming, c’est-à-dire aux intimidations et aux humiliations, souvent accompagnées d’insultes racistes et de menaces. En raison de leur opposition à l’occupation des territoires palestiniens, ou seulement parce qu’ils défendent la démocratie…

Kippa Kippa

La semaine dernière à Marseille, un lycéen de 15 ans, turc d’origine kurde a attaqué à la machette un enseignant juif. Appréhendé il a déclaré agir pour le compte de Daesh. L’enquête devra démontrer comment il a été mis sur cette voie criminelle. En attendant, le jeune terroriste est mis en examen et détenu pour: ”tentative d’assassinat aggravée en raison de l’appartenance de la victime à une religion déterminée et en relation avec une entreprise terroriste”. Il a repéré sa victime parce qu’elle portait la kippa.
L’affaire est une nouvelle attaque anti-juive venue de l’islamisme radical qui imprègne certaines catégories de jeunes musulmans. Mais elle a déclenché un curieux phénomène de soutien… à la kippa.
Je dois dire que cela me plonge dans un abime de perplexité. Deux députés, Claude Goasguen (LR) et Meyer Habib (UDI), se sont promenés en portant la kippa dans l’Assemblée nationale. Sur Internet, des campagnes “Je suis Kippa” et “ Touche pas à ma kippa” ont fait leur apparition. Hier soir, dans l’émission de Ruquier sur France 2, Yann Moix, qui a déclaré n’être pas juif, a mis la kippa en signe de solidarité. Bien entendu tout un chacun a le droit de se couvrir de n’importe quel signe d’appartenance politique ou religieuse selon les lois de la République.
Cela dit, le port de la kippa dans l’espace public n’a jamais été une obligation religieuse. Moïse ne portait pas la kippa. Cela n’est pas stipulé par la Tora. Mais au 15ème siècle, le rabbin Yossef Ben Ephraïm Karo dans le Choulhan Aroukh, le code de loi juive, a écrit qu’un homme juif ne devait pas faire plus de quatre coudées (deux mètres) la tête nue. Il suffit donc d’avoir un couvre chef. Pendant des décennies, les Juifs observants se déplaçaient hors de chez eux portant casquette, béret ou, chapeau. A Nancy et à Metz, où j’ai vécu jusqu’à mon départ pour Israël en 1968, les rabbins ne se promenaient pas en kippa. Il y a une quinzaine d’année, en visite en France, j’ai été surpris de découvrir des coreligionnaires dans la rue, qui arboraient la kippa, parfois même, le Shabbat, avec le talith, le châle de prière, sur les épaules. Est- ce pour manifester publiquement leur appartenance à la communauté, au judaïsme? S’agit-il, dans ce cas d’un geste politique? D’une manière d’exprimer une forme de solidarité dans un environnement parfois hostile? Les sociologues devraient peut être étudier ce phénomène qui n’est en aucun cas religieux. On est juif parce qu’on est issu d’une famille juive, qu’on est circoncis, certainement pas parce qu’on porte la kippa.
De toute manière, les terroristes de Daesh, s’en prennent non seulement au Juifs mais aussi aux Chrétiens, aux Chiites, aux Français attablés aux terrasses des cafés, aux amateurs de musique.. Kippa ou pas.
(J’ajoute à ce post: Dans tous les cas le port de la Kippa n’est certainement pas une forme de soutien a Israël. Cela n’a rien à voir contrairement à ce qu’affirme Rony Braumann.)

Israël-Palestine en 2016. La fin?

J’avais mis en ligne cette analyse avant la révélation par Barak Ravid, l’excellent correspondant politique du Haaretz,  que le gouvernement israélien se prépare à la disparition de l’Autorité palestinienne. Mon papier a donc été légèrement modifié.

 

« Kadish pour les efforts de paix américains ». C’est le titre de l’édito publié, vendredi dernier (1 janvier) dans Haaretz, par Peter Beinart, professeur de Sciences-Po à la City University de New York. Le Kaddish est la prière prononcée par le plus proche membre de la famille du défunt lors d’un enterrement juif. En l’occurrence, il ne s’agit pas de proclamer la mort du processus de paix israélo-palestinien. L’avis de décès a été publié il y a de cela quelques années. Avec plus de 400000 colons installés en Cisjordanie, la quasi impossibilité de parvenir à un accord sur Jérusalem Est, et surtout sur le Mont du Temple/Al Aqsa, on ne voit pas comment il serait possible de créer un état palestinien. Il faut également tenir compte du schisme entre le Hamas à Gaza et l’OLP installée en Cisjordanie, sans oublier la situation politique au sein de la direction du Fatah qui ressemble de plus en plus à une cour byzantine.

USA out!

Peter Beinart, annonce la fin des initiatives américaines pour relancer les négociations israélo-palestiniennes. A priori, ce serait plutôt une bonne nouvelle. De la gestion calamiteuse du sommet de Camp David par Bill Clinton en juillet 2000 à Barack Obama, toutes les administrations US ont été incapables capables de faire avancer le processus de paix ne serait-ce que d’un millimètre. Inutile de revenir sur cet échec monumental, le premier d’une longue liste d’erreurs, d’analyses erronées politiques et militaires, à la source des catastrophes auxquelles on assiste au Proche Orient.

Hilary pro Bibi

Donc, selon l’analyse de Beinart, Benjamin Netanyahu peut être tranquille. L’Amérique et donc la communauté internationale, ne veulent plus entendre parler du conflit avec les Palestiniens. Aucun candidat à la présidence ne parle d’une solution à deux états. Un anathème pour les républicains. Côté démocrate, Hilary Clinton, reprend l’argumentation de Netanyahu : « Il est difficile d’envisager la possibilité d’un accord aussi longtemps que les Israéliens ne sauront pas ce qu’il va se passer en Syrie et si la Jordanie va rester stable. » Elle est en faveur de l’octroi de  « plus d’autonomie » aux Palestiniens et donc du maintien du contrôle sécuritaire de la Cisjordanie par Israël. Tout cela si, comme l’espère la droite israélienne, le fragile équilibre qui règne dans cette région peut être maintenu. Car la grande question posée par tous les experts n’est pas si l’Autorité autonome va s’effondrer, mais comment et quand ce dernier vestige des accords d’Oslo va-t-il disparaître ?

Gaza

Les raisons de manquent pas. D’abord, socio-économiques. Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, les palestiniens s’appauvrissent pour la troisième année consécutive. 25% vivent sous le seuil de pauvreté. 39% à Gaza et 14% en Cisjordanie. 60% des gazaouis sont au chômage. 80 % des habitants de ce territoire dépendent de l’aide financière des diverses ONG internationales. La reconstruction des immeubles détruits lors de la guerre de juillet 2014 est quasiment en panne. Gaza est à nouveau au bord de l’implosion et le Hamas y fait face à la multiplication des cellules salafistes. L’organisation réagit en soufflant sur les braises de ce que l’on appelle « l’Intifada des couteaux » en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et lance des appels à de nouveaux attentats. Le gouvernement israélien prend grand soin de ne pas réagir en attaquant les dirigeants du Hamas à Gaza ou en y resserrant le blocus. Au contraire, réalisant que cela pourrait conduire à une détérioration rapide de la situation, les barrages, par où passent les denrées et les marchandises destinées a Gaza, fonctionnent à plein régime.

Veiller à la stabilité

En Cisjordanie, la situation est toute aussi instable. Crise économique, en 2015 le PIB ne devait augmenter que de 1,8% pour une accroissement de la population de plus de 3%. Absence de toute perspective de négociations avec Israël. Guerres internes au sein de la direction de l’OLP et du Fatah où se déroule la lutte pour la succession de Mahmoud Abbas. Sur le terrain, le développement de la colonisation se poursuit. Si la coordination sécuritaire avec Israël est maintenue cahin caha, les policiers palestiniens chargés de maintenir l’ordre dans les zones autonomes, ont de plus en plus d’états d’âme. Ce sont souvent leurs propres enfants qui vont affronter les militaires israéliens aux check points. Pas question pour Israël de retenir le versement des taxes perçues pour le compte de l’Autorité même si, régulièrement, les dirigeants palestiniens expriment leur soutien aux auteurs d’attentats.

La fin en 2016 ?

Un attentat particulièrement sanglant, commis par des palestiniens ou des extrémistes juifs, pourrait tout faire basculer très vite, et mener à la réoccupation par Tsahal des villes autonomes. Ce serait le dernier clou dans le cercueil de la paix régionale sur laquelle sont fondés les traités conclus entre Israël, l’Égypte la Jordanie, mais aussi avec l’Europe. Sans parler de la relance de l’agitation anti-israélienne dans les communautés musulmanes à l’étranger. Israël devrait financer directement l’occupation de la Cisjordanie et ne pourrait plus compter sur l’aide fournie par la communauté internationale à l’Autorité palestinienne, sans parler du  déploiement de milliers de militaires dans les anciennes zones autonomes etc. etc. Espérons que ce scénario du pire ne se réalisera pas.

 

 

Où sont les lanceurs d’alerte?

Les médias occidentaux se comportent rarement en lanceurs d’alerte. Ils ignorent des régions entières du globe, pour ne s’y intéresser QU’APRES une catastrophe. Et encore si les images sont suffisamment bonnes pour être diffusées, ou si leurs citoyens sont directement concernés. Une partie de l’Afrique est un de ces déserts de l’information. Ce continent est très peu présent sur les écrans de télévision et dans la presse écrite sous ses diverses formes.

Le départ de Bagdad
La couverture du Proche –Orient, en cette période de terrorisme et de crise migratoire majeure, est un autre exemple. Les médias, français notamment, n’ont prêté attention à l’affaire irakienne qu’après les attentats de Paris le 13 novembre. Les grandes rédactions avaient retirés leurs envoyés spéciaux de la capitale irakienne après le retrait des troupes américaines en décembre 2011 et très peu de journalistes étrangers sont restés à Bagdad. De fait, les deux années suivantes ont été un trou noir pour la presse internationale et, les rédactions sont tombées des nues en juin 2014, lorsque des djihadistes ont conquis Mossoul, la deuxième ville d’Irak. 1300 combattants d’une organisation appelée Etat Islamique d’Irak et du Levant, (dont l’acronyme en arabe est Daesh) avaient mis en déroute une armée irakienne de 350000 hommes. Les généraux irakiens, corrompus, n’avaient laissé que cinq chargeurs à leurs soldats. Patrick Cobckurn, est un des rares lanceurs d’alerte, à avoir suivi les événements qui ont conduit à la victoire de Daesh. Il raconte dans son livre « The Jihadis Return. ISIS and the New Sunni Uprising  1 » comment, marginalisés, diabolisés et soumis à une répression de plus en plus dure de la part du gouvernement central [shiite, pro iranien] les sunnites ont fini par se tourner vers la lutte armée et l’alliance avec Daesh. A la parution, de son ouvrage fin 2014, en France, seuls deux grands quotidiens parisiens ont pris la peine d’en faire la recension.

Pas d’institutionnel!
Bien sûr, à l’époque, les rubriques « Étranger » de la grande presse étaient naturellement – et à juste titre – submergées pas les informations venues de Syrie. Ce conflit a été couvert sur le terrain par des correspondants de guerre, au risque de leur vie. Même si l’information était parvenue dans les rédactions, face aux images des massacres perpétrés par le régime Assad, Il n’y avait pas de place pour des histoires de corruption et de répression anti sunnite en Irak. En général, les patrons de journaux n’aiment pas les sujets dits « institutionnels » où l’envoyé spécial prononce les mots « gouvernement » « ministère » etc.

Ne pas faire diplo !
Pendant la dernière à Gaza en juillet 2014, au cours d’un duplex, j’ai eu le malheur d’expliquer que les renseignements militaires égyptiens avaient félicités leurs homologues au ministère israélien de la Défense à Tel Aviv après la liquidation de trois chefs du Hamas dans le sud de la bande de Gaza. On m’a rappelé de Paris pour me dire : « Tu as fait « diplo ! ». La critique ultime ! D’une manière générale, – et il y a bien sur des exceptions – les rédactions font rarement du suivi après une révolution, une guerre, un soulèvement. Entre la chute de Hosny Moubarak, en février 2011, et celle de son successeur, Mohammed Morsi, en juillet 2013, les médias occidentaux n’ont couvert que partiellement l’évolution de l’opinion égyptienne. Lorsque les réseaux sociaux ont commencé à lancer des appels à la manifestation anti-Morsi, les principaux éditorialistes parisiens étaient persuadés que le président égyptien surmonterait la tempête. Selon leur analyse, il ne risquait rien puisque Barack Obama le soutenait. Ce n’était pas le point de vue des envoyés spéciaux sur le terrain.

La tendance à fantasmer l’actualité
Didier Epelbaum, ancien médiateur de l’information de France 2, analyse, dans son livre « Pas un mot, pas une ligne », l’occultation de la Shoah au cours des années qui ont suivi la seconde guerre mondiale et, plus récemment, la couverture du génocide au Rouanda. Il constate « La tendance à concentrer le pouvoir de décision, dans les directions et rédactions en chef. Certaines rédactions ont tendance à fantasmer l’actualité en fonction d’un journal désiré [..]» A cela, il faut ajouter les impératifs économiques d’audience. Les services d’analyse des grandes chaines déterminent ce qui « marche », ce qui attire le téléspectateur, ce qui est »concernant » et ce qui est « anxiogène » et le repousse.
Résultat : les médias ont quasiment arrêté la couverture du conflit israélo-palestinien après la dernière guerre à Gaza, se contentant de suivre la dernière vague de violence, « l’Intifada des couteaux », sans chercher des explications sur ses raisons profondes. Pourtant cette crise risque de déstabiliser encore plus la région. Des experts parlent du risque grandissant d’un effondrement de l’Autorité palestinienne, que ce soit pour des raisons économiques et financières, internes (l’OLP est de plus en plus critiquée par la rue). Le rétablissement de l’administration militaire israélienne sur les villes autonomes de Cisjordanie aurait des conséquences désastreuses pour le Proche Orient, sans parler d’Israël, même.
En attendant, selon des diplomates européens, il faudrait parler aussi de la déliquescence de la direction palestinienne, qui ressemble de plus en plus à une cour byzantine. Là, il faut évoquer également l’attitude des organisations pro-palestinienne. Elles sont promptes à manifester– ce qui est évidemment totalement légitime- lorsque Israël  bombarde Gaza ou renforce la répression en Cisjordanie mais on les entend très peu face à l’immense tragédie du camp de réfugiés palestinien Yarmouk 2, près de Damas . Seules quelques images sont parvenues de ces massacres. Qui a parlé de crimes de guerre en Syrie ? Il y a aussi les Yazédis d’Irak. Ils ont fait les gros titres, puis l’attention qu’on leur porte s’est évaporée. Quelques courageux correspondants de guerre continuent de couvrir ce génocide. Deux ou trois grands quotidiens l’évoquent, de temps à autre.

Journalisme Low Cost
Il ne fait pas bon être une minorité opprimée au Proche Orient. Ces temps-ci, pour intéresser les publics, les politiques occidentaux, il faut être un réfugié débarquant en Europe. Les médias accomplissent-ils leur mission définie par le conseil de l’Europe ? : « Ils ont l’obligation morale de défendre les valeurs de la démocratie […] contribuer dans une mesure importante à prévenir les moments de tension et favoriser la compréhension mutuelle, la tolérance.. […] 3 » Compliqué compte tenu du journalisme low cost qui imprègne la profession !. Les envoyés spéciaux connaisseurs, experts de l’histoire du pays et des conflits se font rares. Ce sont souvent eux les lanceurs d’alerte capables d’apporter au public l’information et l’analyse auxquelles les citoyens ont droit

1 Le livre a été traduit sous le titre « Le retour des Djihadistes » par Adrien Jaulmes, grand reporter au Figaro
2 Voir l’excellente analyse de Jean-Pierre Perrin dans Libération.  http://www.liberation.fr/planete/2015/04/07/yarmouk-nouvelle-tragedie-palestinienne_1236629
3 Cité par Epelbaum. Résolution 1003ndu Conseil de l’Europe relative à l’éthique du journalisme. 1.7.1993

Surprise?

Certaines surprises sont étonnantes. La dernière nous vient du fameux « Forum Saban » qui vient de se tenir à New York avec la participation d’une partie du Who’s who politique israélien et des personnalités américaines proches du parti démocrate. Elles ont fait une découverte importante décrite par les journalistes israéliens qui assistaient à cette rencontre. Nahoum Barnea de Yediot Aharonot : « A la fin de la semaine, des membres de l’administration américaine ont appris des israéliens, une leçon importante : Pour l’actuel gouvernement israélien la solution à deux états est morte ! Lorsque Netanyahu l’évoque il induit en erreur ! [1]»

Double langage?

A une question à ce sujet, Avigdor Lieberman, l’ancien ministre des affaires étrangères, a répondu ironiquement: « La solution à deux états ? Cela dépend si Netanyahu en parle à Washington ou à Jérusalem ![2] » Martin Indyk, ex-ambassadeur en Israël et émissaire du secrétaire d’État John Kerry lors de la dernière médiation américaine en 2014, a demandé au ministre israélien de la défense si Israël n’évoluait pas vers une formule à un état et demi en conservant le contrôle de 60% de la Cisjordanie. Moshé « Boogie » Yaalon, le ministre de la défense, a expliqué, dans sa réponse, qu’il était en faveur du modus vivendi actuel et « qu’il n’y avait aucune raison pour que des Juifs ne vivent pas en Judée Samarie.. »

Vers l’effondrement de l’Autorité palestinienne

Mais, c’est l’intervention de Kerry qui a suscité le plus de réactions de la part de la direction israélienne. Le secrétaire d’État a d‘abord mis l’accent sur l’importance de l’aide américaine à Israël qui a reçu, depuis 2009, 20 milliards de dollars en aide militaire. Puis : « Les Israéliens croient que les Palestiniens n’accepteront jamais le droit d’Israël à vivre en paix en tant qu’État juif, qu’ils enseignent la haine, glorifient les terroristes et qu’un accord de paix transformera la Cisjordanie en un nouveau Gaza. J’ai entendu tout cela. Les Palestiniens croient que l’actuel gouvernement israélien ne leur accordera jamais un état, que leurs terres sont systématiquement spoliées, que les souffrances causées par l’occupation ne cesseront jamais et que les attaques contre les Palestiniens sont impunies. C’est ce qu’ils croient. »

Et Kerry de lancer des avertissements. Extraits : « Le Premier ministre israélien, déclare être en faveur de la solution à deux états pour les deux peuples, mais de nombreux ministres ont ouvertement pris position contre la création d’un état palestinien. En fait, la situation actuelle mène à l’état binational. Les risques d’effondrement de l’Autorité palestinienne augmentent de jour en jour. Dans ce cas, ce sera Israël qui aura la responsabilité des services de base à la population de Cisjordanie. Gérer les écoles, les hôpitaux, assurer l’ordre. Cela représenterait un milliard de dollars sans compter l’aide au développement, – également un milliard. Sans les forces de sécurité palestiniennes, Israël devrait déployer des dizaines de milliers de militaires indéfiniment en Cisjordanie. »

Le secrétaire d’État s’est adressé directement aux Israéliens : « Il faut renforcer Abou Mazen (Mahmoud Abbas) maintenant – et cela n’a pas été suffisamment fait depuis des années – et c’est fondamental. Car, si vous ne renforcez pas la personne la plus engagée en faveur de la non violence, vous envoyez à son public un message extrêmement négatif. Et les Palestiniens finiront par dire : « Nous ne pouvons pas poursuivre sur cette voie. Il l’a essayée. Ils l’ont tentée pendant trente ans. Nous avons conclu les accords d’Oslo, les accords de Wye River, de Madrid et rien n’est arrivé »

Il l’a dit!

Dans un message vidéo enregistré à Jérusalem, Benjamin Netanyahu lui a répondu en réitérant son opposition à la formule binationale : « La solution c’est un état palestinien démilitarisé reconnaissant l’état juif. La racine du conflit vient du refus des palestiniens de reconnaître l’État juif. Les implantations et le territoire sont des problèmes qui doivent être résolus et ne sont pas la raison du conflit. » Et de rejeter la responsabilité de la situation actuelle sur Mahmoud Abbas. Malgré cela, les participants américains au Forum Saban ont poussé un léger soupir de soulagement. Le Premier ministre israélien a prononcé la phrase magique. Il est toujours en faveur d’une solution à deux états.

Faire semblant...

Les diplomates, et les organisations juives pro-israéliennes, peuvent donc continuer de faire semblant. Le processus de paix ne serait pas mort après tout. Pour Chemi Shalev, éditorialiste de Haaretz : « Netanyahu sait comment jouer le jeu. Mais l’immense majorité de sa coalition gouvernementale considère que c’est inutile. Ses membres considèrent le centre-gauche de la communauté juive américaine comme une extension de la gauche israélienne défaitiste, qu’ils dédaignent et tentent de la saper ».

L’influence d’Israël

De fait, c’est exactement ce qui est en train de se passer. Selon un sondage publié en juillet dernier et diffusé par le Times of Israël [3]: 76% des démocrates interrogés ont répondu oui à la question : « Israël a t-il trop d’influence sur la politique étrangère américaine ? » et 20% seulement des républicains. « Israël est-il raciste ? » Oui pour 47 % des démocrates et 17% des républicains. « Les colonies israéliennes sont-elles un obstacle à la paix ? » Oui, selon 75% des démocrates et 25% des républicains. Ce n’est pas tout : 33% des démocrates et 22% des républicains considèrent qu’Israël reçoit des milliards de dollars qui devraient aller au public américain. En conclusion de ce sondage : 50% des démocrates et 18% des républicains sont d’accord avec la proposition : « Les Juifs qualifient trop souvent d’antisémite la critique d’Israël »

Et l’Europe?

Toutes choses indiquant qu’une crise majeure pointe à l’horizon dans les relations israélo-américaines. Ce refus d’entériner l’échec, la mort du processus de négociation entamé à Oslo, se retrouve dans la quasi totalité de la classe politique européenne. occidentale. L’accepter signifierait revoir l’ensemble des accords conclu entre L’Union et Israël. Cesser le financement de l’Autorité palestinienne, précipiter sa dissolution, et plonger la région dans une crise dont nul ne veut au moment où le combat contre Daesh prime tout. De toute manière, Netanyahu est persuadé qu’il gagnera sur les deux tableaux : Il n’y aura pas d’état palestinien et l’Autorité autonome ne s’effondrera pas. La communauté internationale y veillera, et continuera de financer un processus qui n’existe plus…

[1] Yediot Aharonot 7.12. 2015

[2] http://www.haaretz.com/israel-news/.premium-1.690436

[3] http://www.timesofisrael.com/israel-losing-democrats-cant-claim-bipartisan-us-support-top-pollster-warns/

 

 

Paris Jérusalem et Gaza

Après les attentats

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Paris le 21 novembre 2015

 En France, après les derniers attentats, des médias donnent Israël en exemple de pays qui résiste au terrorisme. Mais, est-ce le cas?

Certes, au fil des ans, face au terrorisme palestinien, les israéliens ont pris des habitudes auxquelles les français vont devoir s’habituer, si ce n’est déjà fait. Accepter la fouille par des vigiles à l’entrée des magasins et des administrations. Passer par des portails de sécurité et rester vigilants etc.  Dans ce domaine la société israélienne a un avantage supplémentaire. Les hommes et les femmes – à l’exception des ultra-orthodoxes et des citoyens arabes – effectuent un service militaire ce qui les place régulièrement face à des situations de danger. Mais, ayant couvert quasiment toutes les attaques terroristes de ces trente dernières années, en comparant les réactions en France et en Israël, je suis bien obligé de constater la différence. Sur les lieux où vient de se dérouler un attentat, une frange du public israélien manifeste parfois en scandant des slogans racistes anti-arabes. Il faudrait évoquer aussi les tentatives de lynchages de terroristes, et même –cela arrive !-  de simples passants pris par erreur pour des terroristes. Rien de tout cela à Paris où des foules importantes sont venues se recueillir dans la dignité là où se sont déroulés des massacres. Évidemment, les conséquences pour les victimes innocentes du terrorisme sont identiques, en France et en Israël. La souffrance et le deuil.

La victoire du terrorisme

La question est de savoir si le terrorisme a réalisé ses objectifs en Israël. Après la signature des accords d’Oslo en septembre 1993, pour une frange de l’extrême droite israélienne et les islamistes du Hamas et du Djihad, il s‘agissait de torpiller le processus de paix. Le 25 février 1994, Baroukh Goldstein, un militant du mouvement raciste Kach, a assassiné vingt neuf musulmans en prière dans le caveau des patriarches à Hébron. Selon le professeur Matti Steinberg, ex-analyste principal du Shin Beth, le Hamas a considéré que ce massacre lui accordait, aux yeux du public palestinien, la légitimité de commettre des attentats suicides contre des civils en territoire israélien. L’autre attaque terroriste juive, qui a changé le cours de l’histoire, ce fut le 4 novembre 1995 lorsque Yigal Amir, jeune sioniste religieux a assassiné Yitzhak Rabin, le Premier ministre. Ces deux attentats et, en parallèle, les campagnes terroristes menées par le Hamas, le Djihad, et, à certaines périodes, le Fatah, ont fait basculer l’opinion publique israélienne au profit de la droite désormais solidement installée au pouvoir qui peut continuer sa politique de colonisation. Il faut rappeler que les nationalistes israéliens et les sionistes religieux s’opposent à la création d’un état palestinien en Terre d’Israël. Les islamistes palestiniens mènent un combat national et combattent tout accord qui pourrait accorder une forme de légitimité à l’existence d’un état juif en Terre d’Islam. Le Hamas, dans le cadre de sa stratégie, peut conclure des accords  de cessez le feu avec Israël à condition qu’ils soient provisoires et limités dans le temps.

 Daesh et la myopie occidentale

Pour cette raison Daesh condamne le mouvement islamique palestinien, dont il considère l’application de la Charia comme insuffisante. Le fondamentalisme du pseudo état islamique est radical, absolu et, tant en Europe qu’aux États Unis ce terrorisme islamique est accueilli avec incompréhension. Qu’un homme, ou une femme, décident de devenir des bombes humaines avec l’idée que cela les conduira au paradis, est contraire à la logique. Pour les professeurs Almond, Appleby et Sivan il y aurait parmi les élites occidentales une forme de myopie séculière produisant « une vision réductrice de la religion, épiphénomène des réalités économiques, politiques et psychologiques. Le principe de la séparation entre l’église et l’état, était, depuis les Lumières, le principal critère de modernisation et de liberté individuelle.[1] » En d’autres termes, intellectuels, journalistes et politiques ont tendance à considérer la religion comme relevant exclusivement du domaine privé et sont souvent quasi imperméables à la vision fondamentaliste totalitaire.

Les seins ronds des américaines et l’Islam radical

L’œuvre de Sayyd Qutb est à l’origine du combat islamiste contre la culture occidentale. Né en 1906 dans un village du sud de l’Égypte, devenu inspecteur de l’éducation nationale, envoyé en stage aux États Unis, en 1948, il en reviendra deux ans plus tard, profondément choqué par ce qu’il a vu. Roger Pol Droit a décrit ainsi son trajet : « Ce célibataire de quarante-deux ans, qui n’avait jamais quitté l’Égypte, arrive dans le Colorado. Chaque jour, tout le choque. Le racisme dont il est victime, mais aussi la violence des combats de boxe, les dissonances du jazz, la tenue et les regards des étudiantes, leur liberté de mœurs. Les filles américaines savent parfaitement le pouvoir séducteur de leur corps, écrit-il dans « L’Amérique que j’ai vue ». Elles savent parfaitement que la séduction réside dans les seins ronds, les fesses pleines, les jambes bien formées – et elles montrent tout cela et ne le cachent pas.[2]» Il est devenu le principal théoricien de la Confrérie des Frères musulmans. Pour lui, le monde ne peut être que séculier ou islamique et l’Islam authentique doit combattre ses ennemis de toujours : les chrétiens et surtout les Juifs. Sa théologie a été reprise et développée par Abdallah Azzam, le mentor de Ben Laden et Abou bakr Al Baghdadi le pseudo calife de Daesh. C’est cela que les occidentaux affrontent.

PS: La critique formulée par le rabbin Méir Kahana, à l’encontre du mode de vie des Juifs américain ressemble curieusement à celle de Sayyd Qutb de la culture américaine. Pour le fondateur de la Ligue de défense juive: « Le but des Juifs américains est d’éviter autant que possible toute difficulté et de s’assurer du plus de plaisir possible. Les valeurs sont entièrement centrées sur l’argent et le prix des voitures, d’un réfrigérateur, d’un appareil de télévision et des vêtements. L’objet de luxe d’hier est aujourd’hui devenu une nécessité. Le statut individuel n’est plus déterminé par la Torah et la piété mais par l’argent […]. Les rêves d’une voiture sophistiquée, d’une belle femme, de [beaux] vêtements et de voyages en Europe sont alimentés par la culture d’un État séculaire “normal” » Pour un fondamentaliste, l’état séculaire est l’ennemi. CQFD (Voir mon livre: Au nom du Temple. P.48)

[1] Strong religion » (University of Chicago Press) P.4 -5

[2] Roger-Pol Droit. Voir http://www.histoiresdememoire.org/spip.php?article432