Les américains, les Juifs algériens. Roosevelt et Noguès. Peyrouton l’antisémite arrive à Alger avec la bénédiction américaine.
Le 14 janvier 1943 s’ouvre à Anfa, près de Casablanca, la conférence interalliée. Roosevelt et Churchill y discutent de la suite à donner à la guerre. Giraud et de Gaulle ont également été conviés, ne serait-ce que pour se serrer la main devant les caméras. Le chef de la France libre retournera à Londres peu après. Le 17, Roosevelt reçoit le général Charles Noguès, le résident général au Maroc, toujours en poste . Le compte rendu de la discussion est rédigé par l’attaché militaire naval du président américain, le capitaine McCrea :
« Murphy déclare qu’en Afrique du Nord, les Juifs sont déçus, car la “guerre de libération ” n’a pas immédiatement conduit à leur liberté complète. Le président a dit qu’à son avis l’ensemble du problème juif devait être examiné très soigneusement, et que les progrès doivent être sérieusement planifiés. En d’autres termes, le nombre de Juifs exerçant certaines professions libérales (droit, médecine, etc.) doit être absolument limité au pourcentage [de la population juive] par rapport à l’ensemble de la population nord-africaine. Un tel plan devrait permettre aux Juifs d’exercer ces professions sans les surcharger. […] le général Noguès était d’accord en général, en ajoutant que ce serait triste si les Français devaient gagner la guerre uniquement pour permettre aux Juifs le contrôle des professions et du monde des affaires en Afrique du Nord. Le président a rappelé les plaintes des Allemands à l’encontre des Juifs allemands qui ne représentaient qu’une petite partie de la population, mais plus de la moitié des avocats, des enseignants, des universitaires, etc. » On ne sait pas d’où le président des États-Unis tient ces fausses statistiques.
Sur les conseils de Murphy, Giraud fait venir à Alger Marcel Peyrouton, antisémite notoire, l’un des auteurs du premier Statut des Juifs d’octobre 1940 et responsable de l’abrogation du décret Crémieux. Nommé gouverneur de l’Algérie, il convoque, le 28 janvier 1943, une délégation de notables juifs conduits par le rabbin Eisenbeth pour leur annoncer :
« Les Juifs et les parlementaires ont été déclarés responsable de la défaite. Une défaite qui a provoqué une explosion générale d’antisémitisme dans toutes les couches sociales du pays. Certaines lois antisémites ont été prises en France sous l’impulsion du sentiment qu’avaient fait naître les Juifs étrangers fraîchement naturalisés depuis l’avènement du ministère Blum. Une des conditions essentielles de l’armistice a été l’introduction en France de la législation raciste. L’abrogation des lois raciales en Algérie se heurterait au mécontentement de musulmans. L’Algérie est encore la France et ne peut pas se considérer comme séparée d’elle pour légiférer en cette matière. »
Et Peyrouton d’annoncer : « La question des droits politiques […] recevra une solution après la guerre. Les biens des Juifs seront restitués en totalité, par paliers. Le numerus clausus sera élargi. Dans les écoles, il sera totalement aboli à l’avenir. Les petits fonctionnaires seront repris graduellement. »
Les Alliés ont lancé l’offensive contre les forces allemandes et italiennes qui se sont déployées en Tunisie après l’opération Torch. Le général Juin commande les 75 000 hommes de l’armée d’Afrique et de la première division de la France libre du général Larminat. Ils combattent aux côtés des 95 000 Américains d’Eisenhower, le commandant suprême, et des 130 000 Britanniques de Montgomery dans le dispositif duquel est intégrée la petite force de Leclerc .
Auteur : charlesenderlin
Le plan Trump – Kushner
Ses contradictions et les raisons pour lesquelles le monde musulman ne peut que le combattre .
Première constatation : Dès la page 3, Jared Kushner, l’auteur de ce texte, évoque la mémoire d’Yitzhak Rabin et affirme qu’il « a donné sa vie pour la cause de la paix ». Il oublie de rappeler qu’en fait, le Premier ministre a été assassiné par un juif nationaliste religieux pour empêcher tout accord avec les palestiniens.
Le plan semble se référer au dernier discours de Rabin en 1995 à la Knesset où il défendait l’accord intérimaire d’Oslo 2, dans lequel il définissait sa vision: « Jérusalem resterait sous la souveraineté israélienne, les secteurs de Cisjordanie et de la vallée du Jourdain où vivent d’importantes populations juives seraient incorporées à Israël. Le reste avec Gaza feraient partie de l’autonomie palestinienne, « moins qu’un état ». La direction palestinienne, relève Kushner, n’a pas rejeté cette vision de Rabin présentée comme le statut final des territoires occupés.
En fait, il savait parfaitement que pour l’OLP, le processus d’Oslo ne pouvait que mener à la création d’une Palestine indépendante. Le 11 décembre 1993, il envoyait à Tunis, son conseiller diplomatique, le colonel de réserve Jacques Neriah, ancien des renseignements militaires, rencontrer Yasser Arafat pour une discussion franche. De retour à Jérusalem, il faisait son rapport à Rabin : « le chef de l’OLP ne se contentera en aucun cas d’une autonomie, même élargie dans le statut final mais uniquement d’un état indépendant aux côtés d’Israël. » Le Premier ministre a réagi en déclarant à Neriah : « On continue le processus ! On verra ! »
Pour le professeur Matti Steinberg, ancien analyste principal du Shin Beth, il n’y a pas de doute : Rabin savait parfaitement, en s’engageant dans le processus d’Oslo, que pour l’OLP cela devait mener nécessairement à l’autodétermination palestinienne.
C’est page 7, que l’on découvre le mobile idéologique du plan concocté par Kushner : « L’État d’Israël a le désir légitime d’être l’État nation du peuple juif et que ce statut soit reconnu de par le monde. » Rappelons que le 19 juillet 2019, Benjamin Netanyahu a fait adopter par la Knesset la loi fondamentale définissant : « Israël comme l’État nation du peuple juif, qui y exerce son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination. La réalisation de ce droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est réservée au seul peuple juif ». En d’autres termes, les citoyens non-juifs n’ont pas ce droit et, cette loi, accorde la priorité à l’hébreu et au développement des localités juives. C’est faire évoluer Israël vers une forme d’ethnocratie. <a href= »https://www.monde-diplomatique.fr/2018/09/ENDERLIN/59027″></a>
En guise de justification, le plan Trump propose de faire de la Palestine, l’État-nation du peuple palestinien « avec, dans chaque cas, des droits civiques égaux pour tous les citoyens de chaque état » Ce qui, pour Israël, contredit les principes discriminatoires définis par la loi votée par la Knesset.
Mais, là, il faut relever que Kushner se prononce en faveur de la création d’un État palestinien. Comment pourrait-on y parvenir ? La réponse se trouve page 10. Il faudrait que « l’Autorité palestinienne ou toute autre organisation acceptable par Israël, ait le contrôle total de Gaza, que les organisations terroristes soient désarmées, et Gaza entièrement démilitarisée ». Vaste programme ! L’Autorité palestinienne n’a certainement pas les moyens militaires pour reconquérir Gaza, désarmer le Hamas et les autres organisations djihadistes. On ne voit pas qui d’autre -à part l’armée israélienne- pourrait se lancer dans une telle opération qui ferait de nombreuses victimes de part et d’autre. Cela ne se réalisera pas de sitôt. À moins que …
Mais, de quel territoire s’agit-il ? Page 8, Kushner affirme, évoquant les conquêtes israéliennes lors de la guerre de six jours, que : « rarement dans l’Histoire, des pays se sont retirés de territoires conquis au cours d’une guerre défensive ». Et ajoute : « Il faut reconnaitre qu’Israël s’est d’ores et déjà retiré d’au moins 88% des territoires occupés en 1967 ». Il s’agit du Sinaï qu’Israël a évacué dans le cadre de la paix avec l’Égypte et n’a rien à voir avec l’affaire palestinienne. Alors, écrit-il : « Le transfert d’une partie importante du territoire de l’État d’Israël doit être considéré comme une concession significative », car, souligne-t-il : « c’est un territoire sur lequel Israël fait valoir des droits légaux et historiques ». Il n’évoque pas les droits historiques et légaux palestiniens.
Jérusalem, écrit-il, doit être reconnue comme la capitale souveraine et indivisible d’Israël. La barrière (le mur) de séparation doit être maintenue pour séparer les capitales des deux pays. « La capitale souveraine de l’État de Palestine pourrait se trouver dans un secteur de Jérusalem Est, au nord ou à l’est de la barrière de sécurité, à Kafr Aqab, la partie orientale de Shouafat et à A bou Dis. Elle pourrait être appelée Al Quds ou tout autre nom décidé par l’État de Palestine. ». Les accords d’Oslo envisageaient un parlement palestinien à Abou Dis, où un immeuble a été construit qui, depuis, est séparé de Jérusalem par le mur de séparation.
Il faut rappeler que lors des négociations de Camp David en juillet 2000, si Yasser Arafat était prêt à accepter la souveraineté israélienne sur les quartiers à majorité juive à Jérusalem Est, il n’avait aucune intention de renoncer aux secteurs à majorité arabe, musulmane ou chrétienne. Surtout sur le Haram el Charif, le troisième lieu saint de l’Islam (qui est aussi le Mont du temple du judaïsme). Là, le plan Trump annonce une chose et son contraire. Affirme d’abord que « Le statuquo doit y être maintenu sans interruption » Donc, seul le culte musulman doit y être autorisé. Mais Kushner ajoute : « Les personnes de toutes croyances devraient être autorisées à y prier d’une manière pleinement respectueuse de leur religion, prenant en compte des horaires de chaque prière religieuse et des fêtes, de même que d’autres facteurs religieux »
En d’autres termes, les juifs devraient pouvoir y faire leurs prières…
Selon Mati Steinberg ce serait une catastrophe, « un embrasement, pas seulement dans les territoires palestiniens mais dans l’ensemble de la région. Une telle mesure renforcerait le soutien populaire à Al Qaida, à Daesh, au sein du monde musulman et ferait le jeu de l’Iran et de ses alliés shiites. Le conflit israélo- arabe se transformerait en une guerre de religion. Ce serait également la fin du traité de paix israélo-jordanien qui interdit toute atteinte au statut du Haram el Charif / Mont du Temple ». Le colonel Jacques Neriah, rejoint entièrement cette analyse.
Il ne faut donc pas être surpris du rejet de ce pseudo plan de paix par le monde arabo-musulman. La diplomatie française le comprend-elle ?
Sur le site de Mediapart
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L’interview au point.fr
« Israël est devenu pour la France un Vatican juif »
INTERVIEW. L’essayiste Charles Enderlin s’interroge sur le « sionisme religieux » de nombreux Juifs de France qui les pousse à soutenir sans condition Israël.
Propos recueillis par Catherine Golliau
Modifié le 03/02/2020 à 07:36 – Publié le 02/02/2020 à 15:45 | Le Point.fr
Dans Les Juifs de France entre République et sionisme (Seuil), l’ancien correspondant à Jérusalem de France 2 raconte comment une partie du judaïsme français est passée du soutien passionné de la République de Jules Ferry à celui de l’Israël de Netanyahou. Polémique.
Le Point : Votre livre semble montrer que les Juifs de France sont aujourd’hui écartelés entre la République et le soutien à Israël. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Charles Enderlin : Je suis un Franco-Israélien qui vit en Israël. Je m’y suis installé à la fin 1968 pour être israélien, démocrate et juif culturellement. Or, je constate que de plus en plus de gens, en Israël comme en France, se disent d’abord juifs. À Jérusalem, un immigré venu de France m’a ainsi dit récemment : « Je suis juif, le passeport n’est rien puisqu’il y a des Arabes qui sont israéliens. » Être juif prévaut pour beaucoup aujourd’hui à toute autre appartenance. C’est ainsi que, en France, certains sont prêts à tout accepter de la politique israélienne au nom de leur identité juive, même si cela signifie renoncer aux valeurs qui fondent la République française. Car s’identifier à Israël veut dire aussi accepter que ce pays occupe un autre peuple et discrimine ses propres citoyens arabes. J’ai donc voulu comprendre comment et pourquoi la communauté juive française est passée d’Isaac Jacob Crémieux, républicain, qui se battait à la fin du XIXe siècle pour l’assimilation des juifs au sein de la société française, à Meyer Habib, député franco-israélien qui se proclame « sioniste, partisan de l’intégrité d’Eretz Israël, et fidèle aux valeurs de la Torah ». Comme si on avait oublié que Crémieux est non seulement à l’origine du décret du 24 octobre 1870 qui impose la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie, mais aussi de l’abolition de la peine de mort pour raison politique, et que, un siècle plus tard, c’est un autre garde des Sceaux juif, Robert Badinter, qui abolit la peine de mort. Qui sait aujourd’hui que la loi de 1884 autorisant le divorce, c’est Alfred Naquet ? Que le Front populaire et ses lois sociales, c’est Léon Blum ? Qui se souvient du rôle de Mendès France dans la politique d’après-guerre ? Ces juifs-là ont ardemment défendu non seulement la République, mais aussi ses valeurs les plus nobles, les plus progressistes, dont la laïcité.
Zemmour accuse les juifs ashkénazes réfugiés en France dans les années 1930 d’avoir été responsables de la montée de l’antisémitisme.
Vous attaquez bille en tête Éric Zemmour dès votre préface, mais, par le passé, d’autres juifs ont rejoint la droite extrême. Après tout, ce n’est pas parce que l’on est juif que l’on doit être de gauche…
C’est vrai. Et certains ont même soutenu les antisémites ! Quand Charles Maurras est reçu à l’Académie française en 1938, on a pu écrire que la liste des souscripteurs pour financer son épée comportait pas mal de notabilités juives. Toujours dans les années 1930, de nombreuses personnalités juives étaient membre de la Ligue des Croix-de-Feu. Le cas de René Mayer est exemplaire : grand avocat, membre du consistoire, l’institution fondée par Napoléon Ier pour administrer le culte israélite en France, protégé par Vichy, il a rejoint le Comité français de libération nationale à Alger en 1943 ; garde des Sceaux en 1949, il va autoriser la mise en liberté provisoire de Xavier Vallat, le commissaire général aux Affaires juives sous Vichy, antisémite et condamné à la Libération à dix ans de prison. Aujourd’hui, Éric Zemmour accuse les juifs ashkénazes réfugiés en France dans les années 1930 d’avoir été responsables de la montée de l’antisémitisme. Il se rapproche du Front national.
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Quelle est votre définition du sionisme ?
La même que celle de Theodor Herzl : donner aux juifs une terre où ils seront en sécurité, un État libéral et démocratique, qui rejette le messianisme. Cela signifie un État qui reconnaît les droits des Palestiniens. Même Vladimir Jabotinsky, le fondateur du sionisme nationaliste, envisageait un État juif avec l’égalité des droits. La droite nationaliste religieuse a fait passer l’idée que le sionisme est fondé sur un droit d’ordre divin. Résultat, quand on parle de sionisme en France, on parle de la politique du gouvernement israélien annexionniste. Et c’est au nom de ce sionisme-là qu’on accuse souvent d’antisémitisme ceux qui osent critiquer Israël.
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Le grand virage a été provoqué par la guerre des Six Jours en 1967.
Peut-on situer dans le temps l’évolution du judaïsme français vers le sionisme ?
La Shoah et l’aide apportée par le gouvernement de Vichy à la déportation des juifs a joué évidemment un rôle majeur dans le développement de la méfiance vis-à-vis de la France, mais jusque dans les années 1950, les israélites se définissaient dans leur immense majorité comme « Français de religion juive », voire, pour certains, « de confession mosaïque ». L’arrivée des Juifs d’Afrique du Nord a commencé à changer la donne. En 1962, 100 000 Français juifs d’Algérie ont débarqué en France la rage au cœur contre de Gaulle. Même si le consistoire a fait beaucoup pour ne pas renouveler les erreurs des années 1930 où les institutions israélites françaises ne voulaient pas d’une vague de réfugiés juifs de l’Est, l’intégration n’a pas toujours été facile. Beaucoup aussi se sont sentis coupables envers Israël : seuls 20 000 Juifs d’Algérie sont alors partis s’installer là-bas alors que les autres ont préféré la métropole pour conserver leurs droits de citoyens français. Mais le grand virage a été provoqué par la guerre des Six Jours en 1967. Les juifs ont eu peur qu’Israël ne disparaisse de la carte. Même Raymond Aron, qui se disait insensible à la création de l’État d’Israël, reconnaît alors qu’il a ressenti des bouffées de judaïsme. Mais cette peur était-elle justifiée ? Non, on le sait maintenant, les autorités israéliennes attendaient le feu vert américain pour attaquer. Quand ils l’ont eu, ils sont passés à l’offensive.
Mais le fait que de Gaulle traite alors Israël de « peuple dominateur » a profondément blessé les Juifs de France…
De Gaulle, fin stratège, savait que l’armée israélienne était mieux organisée et équipée (grâce au matériel français) que les armées arabes. Mais de Gaulle avait intimé à Israël de « ne pas tirer le premier ». Les Israéliens ne l’ont pas écouté. Le fait important, toutefois, c’est que, après la guerre des Six Jours, Israël s’est trouvé en situation d’occupant, n’était plus le petit pays sur la défensive, mais un État conquérant. Là, on constate une évolution dans l’attitude de la diaspora française. Contre un Emmanuel Levinas qui affirme qu’« Israël ne peut ni ne doit être un persécuteur », André Neher plonge dans le messianisme et affirme qu’Israël est du côté de la justice. Mieux, en 1968, il soutient qu’un juif ne doit pas critiquer Israël, car c’est donner des arguments aux antisionistes et aux antisémites. Cette parole a été si bien entendue qu’un sioniste de la première heure comme Wladimir Rabinovitch [Rabi, NDLR] a été ostracisé pour avoir osé critiquer les destructions de maisons palestiniennes et les arrestations arbitraires. En 1977, fait significatif, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a modifié sa charte. Initialement, cette organisation était pluraliste, mais, là, elle s’est clairement orientée vers le soutien à Israël. En fait, les grandes institutions juives manifestent pour la plupart, face à la politique israélienne, un silence de plus en plus assourdissant, qu’il s’agisse de la répression antipalestinienne ou de la loi de juillet 2018, voté par la Knesset, qui fait d’Israël l’État nation du peuple juif, discriminant les citoyens non juifs.
Depuis François Hollande, j’ai même l’impression qu’Israël est devenu pour la République française une sorte de Vatican juif.
En France, les juifs ont souvent été accusés d’une double allégeance, comme si la République n’avait pas confiance en eux. Georges Pompidou les a soupçonnés ouvertement, Raymond Barre, après l’attentat de la rue Copernic en 1980, a fait la distinction entre les victimes juives de la synagogue et les passants, ces « Français innocents ». Il y a de quoi se sentir ostracisé, non ?
Certes, mais la République a évolué elle aussi, et dans le sens de la reconnaissance du sionisme ! Dans le cas de Pompidou, c’est vrai, ses relations avec les Juifs de France se sont détériorées dès 1969 quand la France s’est rapprochée de la Libye de Kadhafi. Après l’épisode des vedettes lance-missiles qui étaient sous embargo à Cherbourg depuis la guerre des Six Jours et qui ont été récupérées illégalement par les Israéliens, il a fait dire par le biais du gaulliste René Massigli que l’on ne pouvait pas conditionner ses obligations de citoyen français au fait que la politique française épouse ou non les thèses de Tel-Aviv. « À s’engager dans cette voie, on risque de se trouver placé devant un choix : ou citoyen français, ou citoyen israélien. Puisse cette folie ne pas être commise. » Aujourd’hui, je n’imagine pas un président de la République française dire cela. Depuis François Hollande, j’ai même l’impression qu’Israël est devenu pour la République française une sorte de Vatican juif. Prenez la commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv : c’était un événement franco-français, or, Emmanuel Macron a invité Netanyahou, et reprend à son compte la formule « antisionisme égale antisémitisme ».
Le développement de l’antisémitisme en France n’explique-t-il pas que les juifs se tournent vers Israël ?
La résurgence de l’antisémitisme, les attentats antijuifs, ont provoqué d’abord une hausse importante de l’immigration vers Israël, mais, le nombre de départs est en baisse. En 2019, à peine 2 000 Français juifs ont émigré en Israël. Au-delà de la grande crainte des juifs face à l’antisémitisme, il faut dire que jamais les Juifs de France n’ont été aussi protégés par la législation ; jamais, ils n’ont bénéficié d’une telle empathie du pouvoir et du soutien des administrations françaises.
Il existe un judaïsme réformé, libéral, qui est rejeté, ostracisé par l’orthodoxie, même en France.
Ces partisans de la politique israélienne que vous dénoncez ne sont-ils pas une infime minorité ?
Selon une source au Crif, seuls 130 000 juifs seraient liés de près ou de loin à une institution ou une association juive en France sur une population estimée entre 400 000 et 600 000. Mais leur voix est de plus en plus forte et la République française y est de plus en plus sensible. C’est peut-être là le problème.
Vous concluez votre livre en disant que la solution en diaspora pourrait être le développement du judaïsme libéral, beaucoup plus ouvert que le judaïsme orthodoxe. Pourquoi ?
Les communautés de la diaspora font face à un double problème : leur lien avec Israël qui développe avec l’appui des États-Unis une politique d’annexion de la vallée du Jourdain et des colonies de Cisjordanie ainsi que de Jérusalem-Est où les Palestiniens seront traités comme des non-citoyens. Sont-ils prêts à soutenir une politique qui ressemble à l’apartheid ? Deuxième problème : la profonde transformation d’une partie du judaïsme qui tend depuis 1967 à se recentrer autour du Temple de Jérusalem, le lieu saint. Or, il existe un judaïsme réformé, libéral, moderne en plein développement notamment dans les pays anglo-saxons, mais qui est rejeté, ostracisé par l’orthodoxie, même en France. De leur choix va dépendre l’avenir de la communauté juive.
Les Juifs de France entre République et sionisme
Extrait de l’introduction:
Proche des idées du Front national, Zemmour dispose d’un accès sans précédent aux médias. Chroniqueur permanent dans l’émission matinale de RTL, la radio la plus écoutée de France, hôte, avec Éric Naulleau, d’une émission hebdomadaire de télévision, ses livres se vendent par centaines de milliers d’exemplaires. Selon l’historien Laurent Joly : « Depuis Barrès et Maurras, aucun autre intellectuel, journaliste ou écrivain, n’avait eu ce statut de passeur des idées d’extrême droite auprès d’un très large lectorat. »
Alain Finkielkraut est l’autre grande voix juive identitaire et conservatrice de la France. Lui aussi dispose de moyens médiatiques importants pour diffuser ses idées. Depuis 1987, le philosophe anime chaque samedi sur France Culture une émission très écoutée par le public cultivé. Il exerce une sorte de magistère sur les droites françaises, dont les organes de presse l’encensent : Valeurs actuelles, Le Figaro. Il est le collaborateur régulier de Causeur d’Élizabeth Lévy. Le Front national ne le critique jamais, tandis qu’une partie de la gauche républicaine le respecte et le soutient. La majorité des institutions juives le regardent comme une sorte de rabbin laïc.
À l’instar du CRIF et du Consistoire, Alain Finkielkraut, tout en se déclarant partisan de la solution à deux États, défend inconditionnellement Israël, dont les ennemis sont, selon lui, antijuifs : « L’antisémitisme est revenu et ce n’est plus l’antisémitisme résiduel du nationalisme français. C’est un antisémitisme fier de lui-même à qui on ne peut pas faire honte puisqu’il s’exprime dans la langue de l’antiracisme. Il s’agit d’un antisémitisme antiraciste car, précisément, pour ces antisémites-là, les Juifs sont passés de l’autre côté de la barricade avec Israël et l’occupation de la Palestine. Tout ça étant pensé dans des termes racistes : Israël est un État raciste, donc s’opposer à Israël et à tous ceux qui se sentent un lien avec ce pays, c’est combattre des racistes. […] La haine d’Israël est très répandue dans le monde arabe, mais se trouve relayée par une partie de la gauche en France […] Je m’attendais à tout sauf à avoir à combattre l’antiracisme comme nous devions combattre les idéologies totalitaires du xxe siècle. […] On vous taxe d’islamophobe en mettant en parallèle la judéophobie des années 1930. Le sous-texte de cette accusation, c’est que les musulmans sont les Juifs d’aujourd’hui. Et que nous, nous sommes les nazis[1]. »
La critique d’Israël est interdite au nom de la lutte contre l’antisémitisme. Surtout, un Juif ne doit jamais offrir d’arguments aux ennemis de la communauté juive. Déjà en janvier 1968, lors du Colloque des intellectuels juifs de langue française, André Neher avait proclamé : « Beaucoup d’intellectuels juifs de la diaspora revendiquent le droit de critique à l’égard d’Israël, sans se rendre compte du mécanisme mortellement dangereux dans lequel ils acceptent d’entrer. […] Être contre Israël par quelque nuance que ce soit, c’est sur ce point précis être vraiment et fatalement contre Israël, c’est apporter à la mise en accusation d’Israël une contribution dont les répercussions sur l’ensemble sont dangereusement imprévisibles. Ces critiques sont donc nocives en logique pure[2]. »
Wladimir Rabi, un sioniste de la première heure, ancien résistant, magistrat, subira l’ostracisme de la communauté juive en raison de sa condamnation de la politique israélienne : « Je me sépare de l’intégrisme juif, qu’il soit spirituel ou séculier. Je n’accepte pas que la raison d’État puisse nous amener à justifier le fait des villages rasés et des maisons détruites, ni les sanctions collectives, ni l’inévitable dégradation que constitue finalement l’occupation d’un territoire sur lequel vit une population qui n’accepte pas le pouvoir d’une armée, fût-elle la plus bienveillante qui soit[3]. » Rabi ne sera pas le seul à subir l’ancestrale sanction du « herem », l’exclusion de la communauté.
Que dirait-il, aujourd’hui, de l’adoption par la Knesset (en juillet 2018) de la loi déclarant Israël État-nation du peuple juif, mais discriminant les minorités non juives ? Le judaïsme français se confond-il désormais avec ce petit État du Proche-Orient ? « Dans ce cas, il sortirait de l’histoire universelle », selon la mise garde de Raymond Aron.
J’ai écrit ce livre pour tenter de comprendre l’évolution de ces Juifs français dont je fus autrefois si proche et dont je me sens souvent aujourd’hui tellement éloigné. C’est l’histoire de la transformation d’une communauté prestigieuse qui a donné à la République les Crémieux, les Netter, les Naquet, les Reinach, Blum, Cassin, Helbronner, Mendès France, Aubrac, Léon Meiss, Simone Veil, le grand rabbin Jacob Kaplan, pour ne citer que quelques noms, et qui est aujourd’hui celle des Meyer Habib, des Gilles William Goldnadel, des Finkielkraut, des Zemmour, du CRIF – autant de soutiens inconditionnels d’Israël.
[1]. Sur la chaîne de télévision israélienne I24, dans l’émission « Élie sans interdit », 15 octobre 2017. Repris par Valeurs actuelles.
[2]. André Néher, La Conscience juive. Données et débats, Paris, PUF, 1971, p. 359.
[3]. L’Arche, février-mars 1967.
Simone Veil, la Hongrie, l’antisémitisme, Netanyahu, et Macron
Inutile de chercher des informations sur le décès de Simone Veil et les réactions en France. Il n’y en a presque pas. A peine une interview d’elle réalisée en 2008 par un journaliste du Haaretz et remise au gout du jour dans un supplément du quotidien, vendredi dernier. Aussi une intervention de Shlomo Sand dans l’émission de 18h de la chaine 10. L’histoire de Simone Veil, rescapée de la Shoah, femme d’état républicaine, ministre de la santé, première présidente du Parlement européen, n’intéresse pas en Israël. Pourtant son témoignage est fondamental. Elle était à Auschwitz-Birkenau, en ces jours de printemps 1944, lorsque les Juifs hongrois y sont arrivés : « Presqu’aucun n’est entré dans le camp. Dès leur descente des wagons, ils ont été conduits vers les chambres à gaz. Pour nous qui savions, impuissants, ce qui les attendait, c’était une vision d’horreur : c’est l’événement le plus tragique que j’ai vécu au camp d’Auschwitz Birkenau »
Alors, que dirait Simone Veil aujourd’hui face à la campagne qui se déroule actuellement en Hongrie sous la houlette du Premier ministre Viktor Orban et son parti nationaliste Fidesz Union? Ils s’attaquent à George Soros, milliardaire et philanthrope américain d’origine hongroise, l’accusant, « milliardaire spéculateur », de vouloir utiliser sa fortune et les ONG qu’il soutient pour « installer un million de migrants » en Hongrie et dans l’Union européenne. Le pouvoir hongrois est notamment en guerre contre l’Université d’Europe Centrale fondée par Soros à Budapest en 1991. Ses portraits ont été collés un peu partout dans le pays avec la mention : « Ne laissez pas Soros avoir le dernier mot » Certains posters sont collés sur le sol des trams, pour que les passagers le piétinent. Les responsables du judaïsme hongrois considèrent qu’il s’agit là d’une véritable campagne antisémite. Soros est présenté avec un grand nez et les oreilles détachées. Sur certaines photos ont été écris : « sale juif ». Andras Heisler, le leader de la principale organisation juive de Hongrie, Mazsihisz, a exigé le retrait immédiat de ces affiches car « elles attisent l’antisémitisme ». A sa demande l’ambassadeur d’Israël, Yossi Amrani a publié un communiqué. « J’appelle ceux qui sont impliqués dans cette campagne d’affichage et ses initiateurs à en reconsidérer les conséquences. En ce moment, au-delà de la critique politique d’une certaine personne, la campagne évoque non seulement de tristes souvenirs mais aussi la haine et la peur. » la réponse d’Orban a été négative.
Donc, très bien. En principe, Israël combat l’antisémitisme et défend une communauté juive qui se sent attaquée… Eh bien pas vraiment. Benjamin Netanyahu a fait publier un nouveau communiqué annulant le texte d’Amrani : « Israël déplore toute expression d’antisémitisme dans un pays quel qu’il soit et soutient les communautés juives partout où elles confrontent la haine. C’était le seul but du communiqué publié par l’ambassadeur d’Israël en Hongrie. Ce texte n’était nullement destiné à délégitimer les critiques formulées à l’encontre de Georges Soros, qui continuellement sape le gouvernement démocratiquement élu d’Israël en finançant des organisations qui diffament l’état juif et cherchent à lui nier le droit de se défendre » Comme en Hongrie, Soros finance des ONG de défense des droits de l’homme qui, en l’occurrence critiquent l’occupation israélienne des territoires palestiniens. Le Premier ministre israélien a donc un allié en Orban et sa politique profondément anti –européenne, anti-migrants et islamophobe. Il se rendra à Budapest pour une visite officielle le 18 juillet, le lendemain, viendront se joindre à la rencontre les dirigeants tchèques, slovaques et polonais, non moins opposés à la politique européenne sur l’immigration.
Mais, juste avant, le 16 juillet, Benjamin Netanyahu sera l’invité du Président français Emmanuel Macron, lors de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv. Pourtant, ce lieu n’était pas un camp de concentration. Il n’y avait pas d’allemands sur place. C’était une opération de la police française pour le compte des nazis. Et, au fil des décennies, un long contentieux entre la République et ses juifs. Finalement ce fut Jacques Chirac qui dans son discours du 16 juillet 1995 a reconnu « La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. » Depuis le FN, Marine Le Pen, mais aussi Eric Zemmour, et Alain Finkielkraut rejettent cette prise de position.
Cette histoire est franco-française et ne concerne pas directement la Shoah mais un crime français commis pour le compte des nazis. Le fait que Netanyahu soit invité à prendre la parole au cours de la cérémonie brouille les choses. Par sa participation, de fait, se considérant comme représentant l’état nation du peuple juif, il assume en quelque sorte la responsabilité du judaïsme français. Sans compter le fait que Macron accueillera le dirigeant israélien, allié aux adversaires de sa politique européenne..
Mise au point..
Posté sur ma page FB
Je vois sur une autre page FB que des personnes, qui se disent de gauche, attaquent Florence Drory (candidate REM dans la 8ème circonscription des Français de l’étranger) parce que je la soutiens ( ce qui est mon droit le plus absolu alors qu’elle ne m’a rien demandé) Je suppose que si je devais soutenir Meyer Habib, on me foutrait la paix… Je n’y ai pas pensé.. Cela dit, n’étant plus correspondant du service public français, je n’ai plus l’obligation de me taire. Alors, pour les uns et les autres, voici quelques mises au point :
L’année prochaine je marquerai cinq décennies en Israël. Franco-israélien, j’ai (ainsi que tous mes enfants) accomplis tous mes devoirs de citoyens en Israël depuis 1973. J’ai commencé ma carrière à Kol Israël avant d’être embauché par Antenne2/ France2. Journaliste j’ai veillé à couvrir scrupuleusement tous les côtés de ce conflit. Et si c’était à refaire je rediffuserai exactement tous mes reportages tels que je les ai réalisés.
Bien sur, dans les salons parisiens, on n’a jamais apprécié que je montre aussi les morts palestiniens. Il fallait montrer uniquement les morts israéliens. Seulement voilà, l’occupation israélienne passe mal.. Elle suscite des réactions souvent inadmissibles, et condamnables, car les juifs de France n’ont rien à voir avec la répression anti-palestinienne..
Et, si au lieu de s’attaquer aux messagers, aux correspondants sur le terrain, des juifs de gauche avaient pris position contre l’occupation et ses conséquences et défendu le travail des journalistes ? On n’a pas vu cela dans les médias communautaires habitués à hurler avec la meute.
Ils sont restés prudemment silencieux lorsque ma famille à été attaquée par des francophones à Jérusalem, lorsqu’ont été diffusés –encore ces dernières années- des appels à l’assassinat « de ce collabo ».. Notamment sur ces sites ultras, dirigés par des gens qui n’ont jamais porté l’uniforme, n’ont jamais entendu une balle siffler, senti le souffle de l’explosion d’un obus, ou assisté aux obsèques d’un copain mort au combat. C’est la lâcheté sur Internet.
Mes amis qui ont combattu pour me soutenir ont fait preuve d’un vrai courage.
Alors , qu’un candidat PS se permette de critiquer Florence Drory, parce que je lui ai exprimé mon soutien, montre où se trouve cette gauche là.. Pour moi Florence est la seule à même de battre Meyer Habib, le candidat du Betar au Parlement français.
Dans Libé. mon analyse
Arrêtons de financer l’Autorité palestinienne
En coupant les budgets des Territoires palestiniens, l’Union européenne placerait le gouvernement de Benyamin Nétanyahou devant les responsabilités qui reviennent à toute puissance occupante.
Après l’échec du sommet de Camp David en juillet 2000, des négociations de Taba en janvier 2001, de la rencontre de Charm el-Cheikh en février 2005, George W. Bush, le président américain, décidait qu’il était temps d’en finir avec le conflit israélo-palestinien. Le 27 novembre 2007, à Annapolis, il réunissait Ehud Olmert, le Premier ministre israélien, et Mahmoud Abbas, le président palestinien, pour frapper dans le marbre le principe de la solution à deux Etats. Les deux hommes s’engageaient à conclure les négociations en une année.
Trois semaines plus tard, à Paris, Nicolas Sarkozy ouvrait la conférence internationale des donateurs pour l’Etat palestinien en rappelant qu’il s’agissait de créer aux côtés d’Israël : «Un Etat souverain sur son territoire et ses ressources, contrôlant ses frontières, disposant d’une continuité entre Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Un Etat de droit, disposant d’institutions fortes et indépendantes, qui assurera la sécurité de ses citoyens, fera respecter la loi et l’ordre […]. Au bout du compte, un Etat politiquement et économiquement viable.» Salam Fayyad, le Premier ministre palestinien, demandait 4,5 milliards d’euros aux donateurs qui, déjà, depuis la signature des accords d’Oslo, avaient déboursé plus de 7 milliards d’euros. Il a reçu des promesses pour la bagatelle de 6,5 milliards d’euros de la part des 70 délégations d’Etats réunies à Paris. L’Union européenne a de nouveau mis la main au portefeuille. Aux 563,28 millions d’euros déjà transférés en 2007, sont venus s’y ajouter 494,91 millions en 2008. Selon des sources diplomatiques, il faut adjoindre les sommes offertes par les divers pays de l’UE, qui, en la doublant, portent l’aide aux Palestiniens à près de 1 milliard d’euros (en 2015, encore, l’UE a remis 342,42 millions d’euros à l’Autorité autonome). Les pourparlers ont débuté et, à nouveau, ce fut l’échec. La droite israélienne en accuse les Palestiniens qui auraient refusé les «concessions sans précédent, offertes par Olmert». Faux, rétorque l’entourage d’Abbas : «Nous n’avons jamais reçu une proposition sérieuse par écrit pour l’étudier. Tout était verbal et n’engageait que ceux qui écoutaient.» En réalité, sous le coup d’une enquête judiciaire pour corruption, impopulaire, Ehud Olmert n’avait plus la possibilité de conclure un accord en bonne et due forme. Condamné, il a fini derrière les barreaux. Benyamin Nétanyahou lui a succédé à la présidence du Conseil en 2009 et, depuis, Israéliens et Palestiniens n’ont plus repris les discussions de fond sur les éléments de la solution à deux Etats.
Barack Obama, arrivé à la Maison Blanche la même année, n’a même pas réussi à relancer des pourparlers autres que sur la reprise des négociations. John Kerry, avant de quitter le département d’Etat, relève que durant ces huit années 100 000 colons supplémentaires se sont installés en Cisjordanie. Il en rejette la responsabilité sur Nétanyahou et son gouvernement, «le plus à droite de l’histoire d’Israël», dit-il, en constatant le quasi total contrôle israélien sur la zone C, 60 % du territoire, habité par près de 400 000 colons et où le développement palestinien est interdit. Une situation critiquée par de nombreux diplomates européens en poste dans la région. Tout en gardant l’anonymat, ils déclarent à qui veut les entendre : «De fait, nous finançons le maintien de l’occupation israélienne.»
Dans ces conditions, n’est-il pas grand temps de faire le bilan ? Les milliards investis par la communauté internationale, s’ils ont permis le développement d’institutions palestiniennes, n’ont pas fait avancer d’un millimètre la solution à deux Etats. Alors, pourquoi, au nom des bailleurs de fonds européens, François Hollande et Angela Merkel ne prendraient-ils pas l’initiative de fixer une date limite au-delà de laquelle Israël – puissance occupante selon les conventions de Genève – devrait assumer le financement du budget palestinien ? Cela libérerait le contribuable européen de ce fardeau, et placerait le gouvernement de Nétanyahou devant ses responsabilités à un moment où s’ouvre une nouvelle page de l’histoire du Proche-Orient. L’enjeu, c’est l’avenir de la région, d’Israël et de la nation palestinienne. Car les premières décisions de la nouvelle administration Trump ne poussent pas à l’optimisme. Le président élu a nommé David Friedman au poste de nouvel ambassadeur américain en Israël. A la tête de l’Association des amis de la colonie Beit El, c’est un fervent partisan de l’annexion des Territoires palestiniens. Il entend œuvrer pour le transfert à Jérusalem de l’ambassade des Etats-Unis installée aujourd’hui à Tel-Aviv. Ce serait le dernier clou dans le cercueil du processus de paix entamé en 1993 avec la signature des accords d’Oslo. Il ne resterait plus qu’à en publier l’acte de décès formel.
Dernier ouvrage paru : Au nom du Temple – Israël et l’irrésistible ascension du messianisme juif (1967-2013), Seuil, 2013.
Le désespoir
Ce vendredi, Nahoum Barnea, l’éditorialiste de Yedioth Aharonot, décrit ainsi la situation en Cisjordanie : « <em>Mardi dernier, au matin Tsahal a mis en place un barrage dans le village Bani Naïm, au sud est d’Hébron. La décision n’a pas été prise sur la base de renseignements mais à la suite de l’analyse des derniers événements. Deux jeunes du village en sont sortis il y a quelques jours pour commettre des attentats. Ils ne sont pas revenus. L’un d’entre eux a été tué, la seconde est sérieusement blessée. Logiquement un troisième devait venir. Et, effectivement. Il est arrivé. Lorsque les soldats, au barrage lui ont crié de stopper, il a sorti un couteau en l’agitant. Les militaires ont ouvert le feu pour le blesser. Il est mort.
Ils ne meurent pas pour devenir martyrs de la Palestine, de l’Islam, ou pour tuer des juifs. Ce sont les martyrs du désespoir.Ils veulent mourir et les soldats sont l’instrument de leur suicide, au contraire de la précédente vague de terrorisme où les militaires étaient leur cible. Braha Ramadan Awahissi, une gamine de douze ans s’est présentée mercredi dernier à un barrage. Portant un sac qui ne contenait ni arme ni couteau, elle n’a pas obéi aux soldats qui lui criaient de s’arrêter. Ils ont ouvert le feu. Aux enquêteurs, elle a expliqué « Mon père gagne un salaire de misère à la municipalité de Kalkilya. Ma mère est au chômage. Je voulais mourir » Elle s’en tire avec une blessure au genou.</em> »
Barnea poursuit : « [<em>…] Après cinquante ans d’occupation, chaque jeune palestinien a un problème personnel. La mort d’un proche ou son emprisonnement. L’humiliation aux barrages. La pression imposée par le Shin Beth, par Tsahal ou par les services de sécurité palestiniens. Les familles désunies etc. Etc. Les problèmes sont les mêmes mais la solution est différente pour ces adolescents. C’est, être martyr. </em>»
<strong>La fiction de la paix </strong>
La Cisjordanie attend le prochain embrasement. Ce serait l’Intifada du désespoir. Les diplomates européens et américains en poste en Cisjordanie savent parfaitement que la probabilité d’un accord israélo-palestinien sur la solution à deux États – la Palestine indépendante avec Jérusalem-Est pour capitale, aux côtés d’Israël- est quasi nul. La question n’est pas de savoir si l’Autorité autonome va s’effondrer, mais quand et comment. Pour des raisons économiques. Un budget au déficit croissant avec des donateurs de moins en moins enclins à mettre la main au portefeuille pour ce qui est le financement du statu quo de l’occupation israélienne. Sociales : un nouveau « printemps » de la jeunesse palestinienne contre ses dirigeants.
<strong>Temporiser</strong>
Mais, l’entériner, et publier l’acte de décès du processus de paix aurait des conséquences immédiates pour la région. La remise en cause des traités de paix entre Israël, la Jordanie et l’Égypte, ainsi que les accords avec l’Union européenne. Sans compter la situation sur le terrain, car Israël devrait alors réoccuper les villes autonomes.Ce serait mettre de l’huile sur le feu de Daesh. Dans ces conditions, la communauté internationale, préfère temporiser. Barack Obama exprime son inquiétude face à la poursuite de la colonisation israélienne, et promet de poursuivre ses efforts vers la reprise de négociations. La diplomatie française n’abandonne pas son initiative de conférence internationale. Mieux vaut maintenir vaille que vaille la fiction d’une paix possible. Mais, pour combien de temps?.
Liberté de la presse?
Analyse publiée sur mon blog de géopolis Francetvinfo
Mal géré, dépassé par la concurrence des médias privés, le service public, l’Office de radio-télévision israélien, l’ORTI, est en état de déliquescence, les audiences en berne, à l’exception de sa seconde chaine de radio qui ne survit pas trop mal. Il faut réformer. Le ministre de la communication en 2014, Gilaad Erdan, du Likoud, s’y est mis. Première étape : dissolution de l’ORTI dont les employés partiront en retraite anticipée ou seront licenciés en recevant les indemnités qui leur reviennent de droit. En parallèle, une nouvelle société publique de diffusion est mise sur pied. Elle devra recréer huit stations de radio, trois chaines de TV, en hébreu, pour le grand public, pour la jeunesse et en arabe. Les budgets ont été votés. La nouvelle société a installé ses bureaux provisoires à Modiin, entre Tel Aviv et Jérusalem et a commencé à embaucher. Des centaines d’employés ont quitté l’ORTI, qui continue de diffuser en attendant sa fermeture en octobre.
Mein Kampf
Tout paraissait normal jusqu’à la crise qui a éclaté une dizaine de jours. Quelqu’un est allé dire au ministre de la communication, Benjamin Netanyahu qui cumule les portefeuilles : « Attention, nous n’aurons aucun contrôle sur cette nouvelle société. Eldad Koblenz est un journaliste indépendant. Il va nous faire le journal de la seconde chaine ! Ou pire celui de la chaine 10, voire Galei Tsahal, la radio de l’armée. Pourquoi ne pas y placer un des nôtres, un journaliste d’Israël Hayom (le quotidien gratuit pro Netanyahu) ou quelqu’un de la chaine 20 (nationaliste religieuse) » Le Likoud, et tout particulièrement le premier ministre et son entourage, détestent, la chaine 10, qu’ils ont essayé de fermer en raison de ses critiques anti gouvernementales, la chaine 2, est plus proche du consensus national mais comporte des journalistes trop indépendants au gout de la droite. Galei Tsahal, bien que remise au pas, et que Miri Regev, la ministre de la culture, voudrait à contrôler, a parfois de rares bouffées d’indépendance. Au grand dam de la droite elle a récemment consacré un programme au grand poète palestinien Mahmoud Darwish. Le ministre de la défense, Avigdor Liebermann, qui, selon la loi, n’est pas censé intervenir dans le contenu des émissions, a convoqué le patron de la radio pour lui dire : « Vous avez diffusé l’équivalent de Mein Kampf ! »
Pas de Likoud pas d’oriental
Tout cela donne le dialogue suivant en conseil des ministres, dimanche dernier, à Jérusalem. A l’ordre du jour, la fermeture de l’ORTI et le nouveau service public dont on ne sait toujours pas qui va le diriger et quand il commencera à diffuser, s’il n’est pas tout bonnement dissous.
Miri Regev, s’est adressée à ses collègues : « A quoi sert cette société si nous ne la contrôlons pas ? Le ministre [NDLR : des Communications donc…Netanyahu !] devrait la contrôler. Quoi, nous allons mettre de l’argent dedans et ensuite ils diffuseront ce qu’ils veulent?» Naftali Bennet, ministre de l’éducation, chef du « Foyer juif », le parti des colons : « si vous ne voulez pas de cette société. Dites « Nous en avons perdu le contrôle ! On arrête ! Mais reporter l’ouverture d’un an et demi, cela en éloignera des journalistes de droite comme de gauche. C’est créer l’incertitude pour une période qui mettra la société totalement sous le contrôle des politiques »
Ofir Akounis, ministre des sciences, de la technologie et de l’espace:« Mais,[dans cette société] il n’y a pas de militants du Likoud, ou des gens venus de la périphérie, des orientaux!»
Gilaad Erdan, actuel ministre de la sécurité intérieure, s’adresse à Regev « Est ce que tu contrôle chaque pièce jouée par Habima, le théâtre national ou tout autre théâtre qui reçoit des fonds du gouvernement ? »
Regev: « le projet de prolonger de deux ans Koblenz au poste de patron de la société est de l’opportunisme sournois »
Erdan : « Comment ça ? De quoi tu parles, Tu crois que cette loi est faite pour Miri Regev »
Fascisme?
Le ton a paraît-il monté lorsqu’Akounis, le ministre de l’espace, est revenu sur orbite et a énuméré les noms d’une demi douzaine de journalistes sionistes religieux. Là, Ayelet Shaked ministre de la justice et une des responsables du Foyer juif s’énerve. Elle tape du poing sur la table et lance à ses collègues du Likoud : « Arrêtez ces mensonges ! Apprenez à gouverner et cessez de râler ! Bande de pleurnichards ! Vous avez votre journal ! »
Netanyahu intervient : « Il faut aussi de la compétitivité entre les chaines commerciales » Il ajoute peu après:« Pourtant, l’ORTI et la deuxième chaine de radio étaient équilibrés» En fait, Netanyahu a changé d’avis et préférerait annuler tout simplement la dissolution de l’ancien service publique. David Bitton, député Likoud et chef de la coalition gouvernementale a même déposé une proposition de loi en ce sens. Mais, il y a un gros problème budgétaire. Tout cela couterait très cher. Pas moins d’un demi milliard de Shekels. Donc, on retarde toute l’opération, jusqu’au début de l’année prochaine et on verra ensuite.
L’échange de politesse entre le Likoud – le cabinet de Netanyahu – et le Foyer juif se poursuit. En conclusion, il faut citer Gila Gamliel, député Likoud et ministre de l’égalité sociale, évoquant les déclarations de sa collègue Miri Regev, elle a lancé: « Cela frôle le fascisme ! ». Fin de citation. Madame Gamliel – on l’a compris- n’aime pas Regev et considère que le gouvernement n’a pas à s’occuper du contenu des émissions du service public.